Une équipe américaine publie cette semaine un protocole permettant d'obtenir in vitro des cellules qui ont la propriété de s'intégrer à l'épithélium cochléaire ou vestibulaire et de s'y différencier en cellules ciliées matures. Certes, le protocole a été mis au point sur des cellules embryonnaires de souris et les greffes ont été effectuées sur des embryons de poulet mais, théoriquement, la méthode devrait être transposable à l'homme. Cette technique pourrait alors déboucher sur le développement de traitements innovants de la surdité ou de dysfonctions vestibulaires.
L'épithélium sensoriel cochléaire n'est pas capable remplacer les cellules mécanoréceptrices qui le composent lorsque celles-ci perdent leur fonctionnalité. C'est la raison pour laquelle les pertes de l'audition sont le plus souvent permanentes. Mais s'il était possible d'obtenir des cellules souches capables de se différencier en cellules ciliées, il serait envisageable de mettre au point des thérapies cellulaires visant au remplacement des mécanorécepteurs endommagés.
Embryons de souris et oreilles de poulet
Cette idée a conduit Li et coll. (Eaton Peabody Laboratory, Harvard Medical School, Boston) à rechercher un protocole simple et efficace, capable de conduire à l'obtention in vitro de cellules progénitrices des structures de l'oreille interne.
Les signaux inducteurs qui conduisent à la formation d'une ébauche d'oreille interne, de celle de la vésicule otique et, finalement, à la différenciation des différents types cellulaires de l'oreille interne au cours du développement sont découverts petit à petit. Plusieurs facteurs de croissances parmi lesquels l'EGF, l'IGF-I et des FGF ont d'ores et déjà été impliqués dans le développement de l'oreille interne. Li et coll. ont fait l'hypothèse que ces facteurs devaient pouvoir être utilisés pour enrichir, de manière sélective, une population de cellules multipotentes (telles que des cellules souches embryonnaires de souris) en cellules progénitrices de l'oreille interne.
Cette hypothèse a pu être vérifiée : après dix jours de culture en présences d'EGF et d'IGF-I, puis huit jours en présence de bFGF, 96 % des cellules dérivant de corps embryoïdes (agrégat de cellules souches embryonnaires) expriment des marqueurs spécifiques aux cellules progénitrices nerveuses, en particulier ceux typiquement détectés dans les cellules de l'oreille interne au cours du développement. De plus, si les facteurs de croissances sont alors retirés du milieu de culture, ces cellules progénitrices se distinguent en différentes sortes de cellules de l'oreille, et notamment en cellules sensorielles ciliées, cela en l'absence de tous facteurs externes particuliers.
Mais pour que ce protocole puisse déboucher sur une application thérapeutique, l'idéal serait que les cellules progénitrices obtenues à partir des cellules souches pluripotentes puissent, une fois greffée chez les malades, s'intégrer spontanément à l'épithélium cochléaire ou vestibulaire et surtout, se différencier in vivo et in situ en cellules ciliées.
Afin de tester cette possibilité, Li et coll. ont injecté les cellules embryonnaires de souris traitées par l'EGF, IGF-I et le bFGF dans la vésicule otique d'embryons de poulet. L'examen des animaux chimères a montré qu'une partie des cellules injectées s'intègre à l'épithélium de la vésicule otique en développement très rapidement après la greffe. Cette intégration se déroule préférentiellement au niveau de régions de l'épithélium lésées au cours de la greffe. Plus tard, les cellules greffées sont notamment retrouvées dans les couches de cellules ciliées de l'ébauche de cochlée des embryons. Ces cellules vont se différencier en cellules ciliées matures lorsqu'elles sont localisées dans l'épithélium sensitif cochléaire ou vestibulaire.
Le protocole de Li et coll. semble donc réellement conduire à l'obtention de cellules progénitrices des cellules de l'oreille interne potentiellement utilisables pour la thérapie de la surdité ou de dysfonctionnements vestibulaires. Cependant, le recours à une telle stratégie thérapeutique pose une fois de plus le problème de l'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines. La toute récente découverte de cellules souches adultes de l'oreille interne (à paraître dans « Nature Medicine ») devrait permettre de contourner cette difficulté.
H. Li et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org
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