Pour l'instant, un seul cas de pancréatite aiguë associée à la prise de cocaïne a été rapportée dans la littérature (Garcia et coll., « Ann Med Interna », 1996 ; 13 : 513 ). Le cas rapporté par Gilles Macaigne et coll. (hôpital de Lagny - Marne-la-Vallée) pourrait être le deuxième.
L'histoire est celle d'une jeune femme de 19 ans qui est hospitalisée pour des douleurs épigastriques intenses. Elle signale une consommation occasionnelle de cocaïne et de haschich depuis six mois et un tabagisme (4 paquets/année).
Deux jours avant l'apparition des douleurs, elle a consommé plus de cocaïne que d'habitude par inhalation (mais pas de prise d'alcool).
A l'arrivée, son amylasémie et sa lipasémie sont respectivement à six fois et trente fois la limite supérieure de la normale.
Il n'existe pas de signe de gravité clinico-biologique.
Au scanner, le pancréas est augmenté de volume dans son ensemble, oedémateux, avec une infiltration de la graisse péripancréatique, sans coulée de nécrose (stade C de Balthazar). L'échographie abdominale est normale.
La poursuite des explorations élimine une lithiase biliaire ; les bilans hépatique, lipidique et phospho-calcique sont normaux. La sérologie pour le virus ourlien, le CMV, l'EBV et le VIH est négative. De même, la recherche d'anticorps antinucléaire, de facteur rhumatoïde et d'ANCA est négative.
Evolution favorable
L'évolution clinique est favorable sous traitement médical ; la lipasémie se normalise lentement en un mois. Plus de deux ans plus tard, alors qu'elle ne consomme plus de cocaïne, la patiente est asymptomatique.
La cocaïne peut-elle être en cause dans cette pancréatite aiguë ? « Selon la méthode d'imputabilité française des pancréatites aiguës médicamenteuses, l'imputabilité intrinsèque de la cocaïne était considérée comme très vraisemblable : a) douleurs épigastriques apparues quarante huit heures après la consommation de cocaïne ; b) bilan étiologique (...) négatif ; amélioration rapide de la pancréatite à l'arrêt de la consommation de cocaïne ; d) absence de récidive au cours du suivi », indiquent les auteurs.
La toxicité digestive de la cocaïne (notamment colite ischémique et perforation d'ulcère duodénale), a été décrite après administration nasale, parentérale ou orale, poursuivent-ils. « Chez notre malade, la survenue d'une pancréatite aiguë au décours d'une augmentation de la quantité de cocaïne consommée pourrait traduire un effet dose à l'origine de la toxicité pancréatique. »
Ischémie, action procoagulante...
Par quel mécanisme la cocaïne pourrait-elle induire des lésions pancréatiques ? La physiopathologie reste incertaine. L'ischémie est le mécanisme le plus probable. En effet, la cocaïne a un effet vasoconstricteur. Elle pourrait aussi avoir une action procoagulante, en favorisant l'adhésion et l'agrégation des plaquettes. « Comme cela a été montré sur les artères coronaires, l'association de cocaïne et de tabac pourrait majorer les effets vasoconstricteurs et favoriser l'effet procoagulant de la cocaïne consommée seule. » Enfin, on ne peut exclure formellement un spasme du sphincter d'Oddi étant donné que la drogue peut induire une contraction du muscle lisse.
« Bien que, dans notre cas, nous ne puissions démontrer un lien de cause à effet certain entre la consommation de cocaïne et la survenue d'une pancréatite aiguë, il s'agit probablement d'une nouvelle association. Ainsi, la consommation de cocaïne pourrait s'ajouter à la liste des causes possibles de pancréatite aiguë », concluent les auteurs.
Gilles Macaigne, Philippe Simon, Claude Chayette, Sadek Cheiab et Renaud Deplus. « Gastroenterol Clin Biol », février 2003 ; 27 : 241-242.
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