EN MATIÈRE de politique conventionnelle, la forme compte parfois autant que le fond. Et la Cnam, semble-t-il, a décidé d’y mettre les formes. En conviant aujourd’hui l’ensemble des syndicats médicaux représentatifs , y compris les non-signataires de la convention (MG-France et la FMF) en guerre ouverte contre ce texte, pour une réunion de discussion sur la démographie médicale et le médecin référent, l’assurance-maladie tient à montrer qu’elle «écoute tout le monde» dans une période particulièrement sensible.
Rappel des épisodes précédents. Réunis en «intersyndicale majoritaire», les quatre syndicats hostiles à la convention (MG-France, la FMF, Espace Généraliste et l’Uccmsf) ont décidé de s’opposer systématiquement aux décisions conventionnelles élaborées en leur absence. Cette stratégie a conduit le gouvernement à limiter aux seuls syndicats jugés officiellement représentatifs l’exercice du droit d’opposition majoritaire via un amendement au Plfss, qualifié de «déni de démocratie» par les anti-convention. La polémique n’est pas retombée. Dans « le Figaro » daté du 27 novembre, Xavier Bertrand se justifie une nouvelle fois. «Je ne peux pas laisser s’installer une situation de blocage. (...) Il s’agit d’éviter la paralysie annoncée.»
Discuter n’est pas négocier.
Dans ce contexte, le geste du directeur de la Cnam est un message d’apaisement : en utilisant – pour la deuxième fois seulement après une première séance sur le secteur optionnel – la disposition qui lui permet d’organiser des «sessions de travail» élargies à tous les syndicats, afin de préparer sans exclusive de futurs avenants, Frédéric van Roekeghem entend calmer le jeu. Cette réunion intervient alors que le ministre de la Santé s’efforce de son côté de donner des gages aux opposants, en acceptant de prendre en compte les résultats aux Urml (audience électorale) dans les critères de représentativité syndicale.
MG-France et la FMF ont confirmé qu’ils répondraient favorablement à l’invitation de la Cnam, mais sans aucune illusion. «Le directeur a un mal fou à prendre en compte la réalité majoritaire, grince Pierre Costes, président de MG-France. Il nous convoque pour un tour de piste, il fait comme si l’on discutait et, après, il décide tout seul. Or, depuis les élections aux Urml, nous avons un mandat général de négociation conventionnelle. Etre invité à une réunion de travail ne peut pas être considéré comme une avancée.»
Un scepticisme que partage Jean-Claude Régi, président de la FMF. «J’espère que tout cela ne consiste pas à amuser la galerie. Pour l’instant, j’ai l’impression que la caisse essaye de nous montrer qu’elle n’est pas si méchante... »
Des membres d’Espace Généraliste, non représentatif, ainsi que de l’Association nationale des médecins référents (Amedref) s’inviteront également à la réunion, accueillis dans les « bagages » de délégations amies. «On y va, mais nous ne sommes pas dupes, explique Claude Bronner, président d’Espace Généraliste. La caisse cherche à faire passer la pilule du droit d’opposition.» L’« Union collégiale » (Uccmsf) réservait sa participation en début de semaine. «Si c’est pour faire joli et prétendre qu’il y a concertation, ça ne sert à rien», explique son président, Guy-Marie Cousin.
Quant aux syndicats signataires, ils relativisent la portée de cette séance, en soulignant qu’il ne s’agit pas d’entrer dans la négociation tarifaire. «La démographie est un sujet majeur, mais j’attends de savoir comment le directeur va trouver de l’argent pour régler l’ensemble des problèmes qui se posent», analyse Michel Combier, président de l’Unof (Csmf). Le Dr Cabrera, président du SML, redoute quant à lui le «risque de surenchère» dans une réunion «technique» où de nombreux participants ne sont pas ceux qui négocieront infine.
Tiers payant.
Sur le fond, les deux sujets à l’ordre du jour risquent de provoquer quelques remous.
En matière de démographie, la caisse a récemment mis sur la table un projet d’avenant sur la démographie qui fait bondir les syndicats (« le Quotidien » du 31 octobre). Ce texte prévoit certes, conformément aux engagements de Xavier Bertrand, de majorer de 20 % les honoraires des médecins généralistes qui s’installeraient dans une zone sous-médicalisée. Mais, «en contrepartie», l’assurance-maladie suggère de mettre en place un système de malus, qui consisterait à réduire de 20 % sa participation aux cotisations sociales des médecins installés dans une zone excédentaire. Un dispositif coercitif unanimement rejeté. Sans compter que les médecins attendent toujours – et depuis des mois – la cartographie régionale qui permettra de définir les fameuses zones éligibles aux aides à l’installation.
Quant à la discussion sur les conditions de convergence entre le dispositif du médecin référent (en voie d’extinction) et celui du médecin traitant, elle risque de faire resurgir les querelles syndicales du passé, les défenseurs du médecin référent n’ayant jamais pardonné à la Csmf et au SML d’avoir «sacrifié» un dispositif existant. Sans même se prononcer sur d’éventuelles compensations financières pour les médecins référents, la caisse a annoncé qu’une attention particulière serait accordée aujourd’hui... à la question du tiers payant. La Csmf a aussitôt prévenu que le paiement direct des honoraires «doit demeurer la règle».
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