DEPUIS NOVEMBRE dernier et les expériences conduites chez le macaque, on savait que plus aucune barrière technique ne s'y opposait. Il fallait donc s'y attendre : les chercheurs d'une société de biotechnologie californienne (Stemagen, La Jolla) sont parvenus à obtenir des embryons humains grâce à la technique de clonage qui avait donné naissance à la brebis Dolly. En d'autres termes, on a cloné des hommes !
Cette grande première peut paraître effrayante, mais les scientifiques à l'origine de cette prouesse scientifique n'ont rien de savants fous : leur but n'est en aucun cas de parvenir à donner naissance à des enfants clonés. «C'est contraire à l'éthique et illégal, et nous espérons que personne ne le fera jamais», a déclaré Samuel Wood, qui a dirigé ces travaux. «Tous nos efforts ont pour objectif de parvenir à la mise au point d'outils thérapeutiques», insiste-t-il.
La faisabilité du clonage par transfert nucléaire chez l'humain.
En produisant un embryon par clonage, il est en effet théoriquement possible d'obtenir des cellules souches embryonnaires totalement compatibles avec l'adulte cloné. Ces cellules ont la capacité de se multiplier à l'infini et de se différencier en chacun des types cellulaires qui constituent un organisme adulte. Elles sont donc des outils idéaux pour la thérapie cellulaire.
Cependant, Woods et son équipe n'ont pas dérivé de cellules souches embryonnaires à partir des cinq embryons qu'ils ont obtenus. Le chercheur a expliqué que l'objectif prioritaire avait été de démontrer la faisabilité du clonage par transfert nucléaire chez l'humain. La possibilité de dériver des lignées de cellules potentiellement thérapeutiques à partir de ces embryons sera testée dans un second temps.
Cette lacune contribue au scepticisme de certains membres de la communauté scientifique concernant la publication des chercheurs de Stemagen. Il faut dire que, depuis le scandale engendré par la publication des travaux frauduleux du Coréen Hwang Woo-Suk, la communauté scientifique a tendance à considérer avec méfiance toutes les annonces relatives au clonage et aux cellules souches embryonnaires humaines. Les travaux de Woods et de son équipe feront donc évidemment l'objet de multiples vérifications. L'article publié dans la revue « Stem Cells » semble toutefois d'ores et déjà assez convaincant (voir encadré).
Controverse autour d'une technique plus éthique.
La seconde critique faite à ces travaux est en lien avec la mise au point récente d'une technique qui permettrait l'obtention de cellules souches totipotentes, similaires à des cellules souches embryonnaires, par « reprogrammation directe » de cellules somatiques. Cette technique a le gros avantage éthique de ne pas nécessiter la production d'embryons et l'énorme avantage pratique de se dispenser de l'utilisation d'ovocytes, des cellules particulièrement rares et difficiles à obtenir chez l'humain.
Woods a répondu à cette attaque en rappelant qu'à l'heure actuelle la production des cellules totipotentes par reprogrammation directe passe par l'insertion de gènes surnuméraires dans les cellules somatiques à reprogrammer. Cette manipulation génétique est potentiellement oncogène et les cellules ainsi produites ne peuvent donc en aucun cas être administrées à des patients. Selon lui, le clonage thérapeutique reste donc pour l'instant une piste qu'il ne faut pas négliger dans la mesure où elle pourrait être la première à permettre l'essor de la thérapie cellulaire.
A. French et coll., « Stem Cells », édition en ligne du 17 janvier 2008.
Le clonage humain en pratique
Samuel Wood et coll. ont utilisé 29 ovocytes obtenus de trois jeunes femmes, donneuses régulières dans un centre de procréation médicalement assistée. Dans les deux heures suivant le don, le noyau de ces cellules a été remplacé par celui de cellules somatiques adultes prélevées sur deux volontaires. L'un de ces volontaires n'est autre que Samuel Wood lui-même.
L'expérience a conduit à l'obtention de cinq embryons au stade blastocyte. Leur croissance a alors été stoppée par les expérimentateurs. Des analyses génétiques pratiquées sur trois de ces embryons ont montré que leur génome nucléaire était identique à celui du donneur de cellules somatiques utilisées pour les produire. Une analyse de l'ADN mitochondrial n'a pu être réalisée que sur un seul embryon. Elle a cependant confirmé que cet embryon dérivait bien de l'ovocyte énucléé dont il était issu.
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