Après la brebis, la souris, la chèvre, la vache, le porc, voici le premier animal familier cloné à la manière de Dolly. « Cc », c'est son nom (pour copie carbone), est une adorable petite chatte écaille de tortue au pelage tricolore.
La prouesse technique a été réalisée par une équipe américaine (université A&M, Texas) : le noyau d'une cellule du Cumulus oophorus d'une chatte adulte a été transféré dans un ovocyte énucléé. Cc est née par césarienne le 21 décembre 2001, 66 jours après l'implantation dans l'utérus de la mère porteuse. Et selon l'article à paraître dans « Nature » du 21 février, la petite chatte « paraît en bonne santé et pleine d'énergie ».
Le pari n'était pourtant pas gagné, vu le nombre d'obstacles techniques qui restaient à franchir. « Le clonage chez le chat est difficile, non pour des raisons d'ordre génétique, mais parce que la biologie de son développement est très peu connue, explique Xavier Vignon (INRA, Jouy-en-Josas). Par exemple, on maîtrise mal la préparation, la maturation et la culture in vitro de leurs ovocytes. » L'équipe a dû réaliser 188 procédures de clonage à partir de cellules du cumulus pour obtenir 87 embryons et un seul clone survivant. « Un taux de succès comparable à celui obtenu pour le clonage d'autres espèces », selon les chercheurs. Et toutes les tentatives menées avec un mâle comme donneur se sont soldées par un échec. « Une preuve supplémentaire que les cellules ovariennes sont de bonnes donneuses, sans que l'on sache bien pourquoi », déclare Xavier Vignon.
Loin de l'identique
Même si la technique semble fonctionner chez la chatte, les clients intéressés devront toutefois se montrer patients. Car, pour le moment, il est impossible de reproduire un animal à l'identique, tant sur le plan physique que sur celui du caractère. Pour s'en rendre compte, il suffit d'observer le pelage de Cc. « Même si les deux clones ont globalement le même pattern de couleur, les taches ne sont pas placées aux mêmes endroits », indique Sylvie Chastant-Maillard, chercheuse à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort.
Plusieurs raisons à cela. Sur le plan génétique, tout d'abord. Chez les femelles tricolores, les gènes codant les couleurs orange et noire des poils sont sur le chromosome X. L'inactivation de l'X, qui survient pendant la vie embryonnaire, fabrique un patchwork de cellules tout à fait aléatoire ; pour certaines cellules, le « gène orange » est rendu silencieux, tandis que, pour les autres, c'est le « gène noir ». La proportion des cellules oranges et noires est donc variable entre deux individus génétiquement identiques.
De même, la migration des mélanocytes dépend de facteurs environnementaux. En ajoutant à cela le fait que l'ADN mitochondrial diffère d'un clone à l'autre, on comprend à quel point il est difficile de réaliser une vraie copie conforme.
Idem pour le caractère de l'animal, forcément modifié par l'environnement et par l'éducation reçue.
A l'origine de ce nouveau clonage se trouve un collet, nommé Missy. Son propriétaire, le milliardaire américain John Sperling, 81 ans, redoute tellement la perte de son chien favori qu'il a fondé la société Genetic Savings and Clone* (GCS). En échange de son soutien à l'université texane A&M, la firme aurait une licence exclusive sur la technologie développée par les chercheurs pour le clonage des animaux familiers. GCS est la seule société au monde à proposer le stockage d'ADN animal dans l'azote liquide, moyennant 895 dollars plus une rétribution annuelle de 100 dollars (compter une majoration de 50 % si l'animal est en fin de vie, la technique est plus complexe). Tout ça en attendant que le clonage devienne réalité.
Hormis cette application commerciale, le clonage des chats pourrait être fort utile à la recherche. L'étude de clones félins infectés par le FIV (Felin Immunodeficience Virus) constituerait un très bon modèle pour le VIH. En outre, le clonage permettrait le sauvetage de félidés en voie de disparition, tels le chat sauvage africain ou le tigre blanc.
Et le chien, dans tout ça ? « Les travaux sont encore plus en retard que pour le chat, car le chien ne respecte pas les règles classiques de la reproduction, explique Sylvie Chastant-Maillard. Lors de l'ovulation, l'ovocyte est diploïde. Il s'écoule quarante-huit heures avant qu'il ne devienne haploïde - donc, fécondable - dans les trompes de la femelle, sans que l'on sache pourquoi ni comment. Tant qu'on est incapable d'obtenir des ovocytes mûrs in vitro , le clonage du chien ne peut pas être envisagé. » Ce n'est pas l'avis de la société GCS, qui affirme sur son site qu'elle est sur le point de réussir l'expérience. Affaire à suivre.
* Les services proposés par la société GCS sont mis en ligne sur le site www.savingsandclone.com
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