« Ce travail ne valait pas une publication, a déclaré le Pr Marc Peschanski au journal « Libération ». Le 25 novembre, la firme américaine ACT était pourtant très fière d'exhiber à la planète entière son dernier rejeton, via un article mis en ligne par la revue « e-biomed ». Seulement, voilà : le clone d'embryon a rendu l'âme passé les deux premières divisions cellulaires. On est bien loin d'obtenir les fameuses cellules souches thérapeutiques. Parce que l'expérience n'était en réalité qu'une ébauche d'expérience, parce que l'article était « très pauvre », le neurobiologiste français a donc décidé de quitter le conseil éditorial de la revue « e-biomed ».
Même décision de John Gearhart, de l'université Johns Hopkins. Motif : il manque d'importantes données dans l'article publié. Cette prise de position doit toutefois être replacée dans son contexte : le professeur américain est personnellement engagé dans les travaux sur les cellules souches embryonnaires. En étudiant les cellules ES issues d'embryons obtenus par FIV, John Gearhart poursuit le même objectif que Michael West, le président d'ACT, mais par une voie différente.
Il se pourrait donc que John Gearhart ait saisi l'occasion offerte par les critiques adressées à l'article pour jeter le discrédit sur son rival.
L'argument avancé par le chercheur tient toutefois la route : le comité éditorial de « e-biomed » contient des membres d'ACT. Il est donc difficile de croire que ces scientifiques ont jugé l'expérience d'ACT objectivement.
Réaction du rédacteur en chef de la revue: « Il a été jugé que les résultats d'Advanced Cell Technology, quoique modestes, étaient suffisamment étayés par les données fournies. Le vrai problème, c'est la confusion actuelle entre science et politique. »
C'est vrai que le problème prend une tournure politique aux Etats-Unis. Les publications exposant diverses expériences sur l'embryon se multiplient à l'approche du vote des sénateurs sur le clonage. Tentatives de séduction destinées à séduire les politiques pour permettre une poursuite des travaux ? Cette démarche serait compréhensible dans le cas où l'expérience est couronnée de succès et laisse entrevoir des débouchés thérapeutiques proches. Dans le cas d'ACT, Tanja Diminko, une chercheuse de la firme, trouve malgré tout de quoi justifier la parution de l'article. « L'expérience de clonage n'est pas un échec, nous avons des clones (...). Ce n'est qu'un article préliminaire. Et de toute façon, les résultats négatifs sont aussi importants à publier que les bons résultats. »
Une galerie des horreurs
Mais au vu d'autres résultats présentés par la même chercheuse, on ne peut que s'interroger sur l'intérêt du clonage. Lors de la conférence annuelle sur la médecine régénérative de Washington, elle a reconnu que son équipe n'avait obtenu que des résultats catastrophiques sur des singes rhésus, en cinq années de travail. « La majorité des embryons a l'air anormal. Nous voyons couramment trois lots de chromosomes (...). C'est une vrai galerie des horreurs. » Tanja Diminko a fini par se poser LA question. « Que sommes-nous réellement en train de faire? » C'est bien ce que l'on voudrait savoir.
Une chose est sûre, ces derniers résultats n'ont pas encouragé les sénateurs américains à se prononcer en faveur du clonage humain. Bien que Michael West ait promis de nouvelles avancées d'ici à quelques mois, le Sénat a refusé de céder à la panique. Le moratoire chargé d'interdire toute expérience de clonage pour les six mois à venir a été rejeté lundi par une majorité. Les démocrates ont estimé que les obstacles empêchant le clonage chez les primates étaient trop nombreux et que, par conséquent, les débouchés ne sont pas pour demain. Du coup, le Sénat ne prendra position sur le clonage qu'en février ou en mars.
Depuis mardi, la Grande-Bretagne, pour sa part, a choisi son camp. Oui au clonage thérapeutique, mais non au clonage reproductif. Avec cette nouvelle loi, toute personne ayant implanté un embryon cloné chez une femme est désormais passible d'une peine maximale de dix ans de prison et d'une amende. Le vide juridique créé par un récent arrêt qui empêche la protection juridique des embryons clonés est enfin comblé.
Les chercheurs suédois pour le clonage thérapeutique
« Ethiquement défendable. » C'est ainsi que le Conseil scientifique suédois a jugé le clonage thérapeutique, lors de la présentation de ses orientations pour la recherche publique. Conséquence : les scientifiques recommandent au législateur de ne pas ratifier la Convention européenne sur les droits de l'homme et la biomédecine, qui l'interdit. Le président du Conseil, Bengt Westerberg, a toutefois insisté sur la nécessité d'un organisme public de contrôle et l'obligation de garanties éthiques sur le don d'embryon. D'après Bengt Westerberg, la Suède est « à l'heure actuelle leader mondial de la recherche sur les cellules souches ». Sur les 70 lignées cultivées dans le monde, les laboratoires suédois en détiennent 25.
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