A partir d'aujourd'hui, les cliniques privées commencent « une grève totale et illimitée » à l'appel de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) et de la Coordination nationale des médecins des cliniques (CNMC), qui a été fondée en juillet dernier par des praticiens issus de la région Midi-Pyrénées et de Tours.
Les cliniques réclament au gouvernement une dotation de 6 milliards de francs (915 millions d'euros) afin de pouvoir réajuster les salaires de leur personnel sur ceux de l'hôpital public. Selon le Dr Jérôme Marty de la CNMC, « 60 % des cliniques en France et 75 % des établissements en Midi-Pyrénées » seraient aujourd'hui « proches du dépôt de bilan ».
Les établissements de l'hospitalisation privée et les médecins libéraux qui y exercent étaient déjà en grève les 24 et 25 octobre derniers pour le même motif. Mais, depuis, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, sous la pression des députés communistes, a annoncé une « rallonge » de 3,9 milliards de francs (environ 590 millions d'euros) en faveur de l'hôpital public, quatre jours avant le vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002 à l'Assemblée nationale. Cette dotation supplémentaire accordée au secteur public, ajoutée aux 45 000 créations de postes pour permettre à l'hôpital de passer aux 35 heures au 1er janvier 2002, constitue un « coup de Trafalgar » pour l'hospitalisation privée, estime le Dr Jérôme Marty de la CNMC.
Le soutien de l'UCCSF
L'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF, regroupant les spécialistes de la CSMF), qui rappelle dans un communiqué son soutien « sans réserve » à l'action lancée par la CNMC, dénonce la « provocation » des « quatre milliards concédés aux communistes pour l'hôpital public ». L'UCCSF s'indigne du « consternant mépris affiché par la ministre, apparemment préoccupée davantage par des considérations électorales personnelles que par le respect du libre choix de nos concitoyens et par le souci d'une qualité égale dans tous les secteurs de la santé ». Ce syndicat de médecins libéraux souligne que « l'Etat, par son attitude doctrinaire, menace tout un secteur d'activité, qu'il sait efficace, sûr, fiable, reconnu et apprécié des Français ». L'UCCSF affirme qu'elle « s'engage désormais à fond dans la phase "cliniques vides" » du mouvement de protestation de l'hospitalisation privée.
Concrètement, le mouvement de la FHP et de la CNMC implique « un arrêt des admissions » à partir d'aujourd'hui et sans limitation de durée jusqu'à l'obtention d'une enveloppe financière. « Dans les services d'urgence, les patients seront réorientés vers l'hôpital public, sauf en cas d'extrême urgence ou pour les cas ne supportant pas un transport », précise le Dr Max Ponseillé, président de la FHP.
La cessation d'activité des cliniques privées est approuvée par des députés de l'opposition comme l'ancien ministre des Affaires sociales Jacques Barrot (voir page 4), mais également par un député socialiste de Haute-Garonne, le Dr Gérard Bapt (« le Quotidien » du 2 novembre). Le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (SYNGOF) « s'associe au mouvement » et dénonce, dans un communiqué, « la mort préméditée et programmée » des cliniques privées, du fait de « tarifs insuffisants (...) pour assurer un salaire équitable aux personnels de ces établissements ».
Les critiques des cadres hospitaliers
Ce syndicat demande par conséquent aux médecins gynécologues et obstétriciens exerçant en clinique « de suivre le mot d'ordre d'arrêt d'activité prévue à partir du 5 novembre, jusqu'à obtenir la satisfaction de ces justes revendications ».
En revanche, le Syndicat national des cadres hospitaliers de l'hôpital public (SNCH) « s'insurge contre la prise en otage des malades par les cliniques privées ». Son président, Patrice Barberousse, « estime qu'il y a une certaine impudeur à demander l'aide de l'Etat, c'est-à-dire du contribuable, pour pallier une politique salariale désastreuse depuis plusieurs années ». « Dénonçant les inégalités statutaires et financières entre infirmiers du public et du privé, les responsables des cliniques se gardent bien de demander l'alignement des salaires des médecins, dont les écarts de rémunération favorisent la fuite des praticiens hospitaliers vers le privé », poursuit le président du SNCH.
Après avoir indiqué qu'il avait déjà fait un effort cette année pour les cliniques (1), le ministère de l'Emploi et de la Solidarité envisageait de recevoir la FHP au début de cette semaine (la CNMC, non représentative, n'est pas quant à elle en contact direct avec le ministère). Le Dr Ponseillé se dit en tout cas « profondément choqué » de n'avoir reçu aucune réponse du ministère aux revendications des cliniques ces dix derniers jours. Le président de la FHP prévoit « une grève dure » avec un taux de participation des établissements « de l'ordre de 70-80 % », comme lors du dernier mouvement de 48 heures de fin d'octobre, « sinon une participation supérieure ».
(1) Un protocole d'accord signé le 4 avril par le gouvernement et les fédérations de cliniques prévoyant une hausse des tarifs de 2,3 % à partir du 1er mai ainsi que des augmentations ciblées.
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