LE QUOTIDIEN - En refusant de dérembourser les médicaments dont l'efficacité thérapeutique est insuffisante, Elisabeth Guigou a-t-elle pris une bonne décision ?
Claude LE PEN - C'est typiquement une demi-mesure, une décision de compromis qui sauve la mise de certains laboratoires. C'est d'abord une disposition liée à l'emploi et à la survie d'entreprises dont 70 % du chiffre d'affaires est représenté par ces quelque 800 produits dont le service médical rendu a été jugé insuffisant. On ne peut se réjouir de la disparition d'entreprises qui ont un rôle économique évident.
La question qui se pose, mais ce raisonnement est aussi valable pour les cures thermales et pour les petits hôpitaux, c'est dans quelle mesure la santé doit financer aussi la politique industrielle, l'aménagement du territoire, la vie sociale, etc.
Reste qu'on ne peut être fier d'une telle mesure, qui ne satisfait personne. Même pour les laboratoires, c'est une victoire à la Pyrrhus. Ils ont, certes, évité les déremboursements mais l'effet sur l'opinion publique n'est pas très heureux en termes d'image.
Pour résumer, je n'approuve pas la décision de refuser de dérembourser mais je la comprends car il ne faut jamais oublier que les dépenses de santé financent autre chose.
Génériques : le verrou, c'est le patient
La politique de baisse des prix des médicaments, qu'Elisabeth Guigou va amplifier, produira-t-elle des économies substantielles pour la Sécurité sociale ?
Mais cela fait trente ans qu'on gère les médicaments par les prix et tout le monde s'accorde à dire que c'est inefficace ! Cette gestion par les prix ne résout en rien les problèmes essentiels de surprescription ou de mauvaise prescription, elle décourage la recherche et l'investissement, et elle rend le marché français dépendant des marchés étrangers et de l'innovation étrangère. En continuant sur cette voie, on va délocaliser la production et la recherche et on va établir dans notre pays une économie de comptoir où la France devient un pays de consommation. La politique du médicament exige d'abord un volet sur la qualité et une modification des comportements des prescripteurs et, surtout, des consommateurs.
L'interdiction de prescrire en DCI était une incongruité. Cette décision est donc logique et positive. Mais la prescription en DCI est compliquée et les médecins n'ont aucune incitation à le faire. Donc entre les discours et la réalité, il y a un monde.
Pour promouvoir les génériques, Elisabeth Guigou a annoncé une campagne de sensibilisation en direction du grand public, une relance de la substitution, et un décret qui simplifie l'inscription sur le répertoire des génériques. Cette batterie de mesures est-elle susceptible d'inverser la tendance ?
Non. En France, la politique industrielle existe déjà, il y a une offre générique. Il commence à y avoir une politique de prescription et il y a une politique de distribution avec les pharmaciens. Le seul vrai verrou, c'est les consommateurs. Et les plus gros consommateurs de médicaments, les patients atteints de maladies chroniques et les personnes âgées, sont les plus résistants. Quant aux campagnes de promotion des génériques, les dernières étaient ennuyeuses comme la pluie. Il faut donc trouver autre chose. Dans les pays où les génériques marchent bien, il y a souvent des incitations financières pour les patients.
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