C’EST UNE DEMANDE qui a été exprimée par les associations et satisfaite par le législateur. La loi sur le droit des malades du 4 mars 2002 a en effet instauré une procédure d’agrément pour les associations dites «de malades et d’usagers du système de santé».
D’après le texte, modifié par la loi de santé publique d’août 2004, l’agrément est désormais la condition nécessaire pour permettre auxdites associations de proposer un ou plusieurs de leurs membres qui représentent les usagers dans les instances hospitalières (conseils d’administration, commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge...) et les instances de santé publique (conférences régionales et nationales de santé, commissions régionales ou interrégionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales...).
Pas de hiérarchisation des associations.
Concrètement, l’agrément, qu’est-ce que ça change ?
«Avant, n’importe quelle association pouvait siéger dans ces instances», explique Nicolas Brun. Chargé de mission à l’Unaf (Union nationale des associations familiales), M. Brun est aussi président d’honneur du Ciss (collectif interassociatif sur la santé) et il a largement contribué à la genèse de l’agrément. «Il s’agissait d’associations qui n’étaient pas constituées par des usagers dans le sens où nous l’entendons, selon des critères peu lisibles. Je pense à ce que nous appelons les associations “faunées” , c’est-à-dire majoritairement composées de professionnels de santé ou de représentants de mutuelles.» L’agrément est par ailleurs conditionné à un critère d’indépendance, notamment vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques.
Mais le champ de l’agrément, précise Nicolas Brun, reste la fonction de représentation des usagers et rien d’autre. «L’agrément ne constitue pas un permis de travail dans le domaine de la santé. Ce n’est pas non plus un moyen de hiérarchiser les associations entre elles, mais simplement de les redéfinir, plus clairement, dans leurs fonctions.»
Les associations «de bénévoles», qui mènent généralement des actions d’animation, de loisirs, de soutien des personnes hospitalisées dans le but d’améliorer leur vie quotidienne sont quant à elles liées aux établissements de santé dans lesquels elles exercent leurs activités par une convention. «Ne pas être agréées n’empêche pas ces associations d’intervenir dans l’hôpital.» (Mais pas de siéger).L’agrément n’est pas non plus nécessaire pour recevoir une subvention.
L’agrément est assorti d’un congé de représentation pour les personnes qui vont siéger et aussi d’un droit à la formation. «Ce qui veut dire implicitement donner les moyens aux associations d’organiser des sessions de formation, insiste Nicolas Brun , si l’on veut que ces représentants ne soient pas des représentants alibis, le cousin de province que l’on assoit en bout de table. Construire et homogénéiser notre représentation, voilà ce qui devient intéressant pour le tissu associatif.»
Les associations agréées vont aussi pouvoir ester en justice. «Dans un cadre très particulier, précise Nicolas Brun, c’est pour le moment en développement.»
En août, un arrêté ministériel a fixé une première liste de quatorze associations agréées ; un deuxième arrêté publié au « Journal officiel » en novembre en a ajouté neuf autres (voir encadré). Et il devrait y avoir une nouvelle vague d’ici à la fin de l’année.
Les établissements ont jusqu’en février 2007 pour se mettre en conformité avec la loi, autrement dit en n’acceptant dans leurs instances que des membres d’associations agréées. Quid alors des représentants d’usagers qui sont déjà en place et qui, pour certains, ont été nommés pour un an ou plus ? Les réponses se feront sur le terrain, semble-t-il. Vu le manque de représentants d’usagers dans ces instances, on peut imaginer que les choses se feront progressivement.
«La loi, c’est la loi».
Parmi les associations qui ont reçu l’agrément en août figure l’Admd, l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, ce qui ne va pas sans soulever quelques réticences. L’Académie de médecine, notamment, voit cela d’un très mauvais oeil. Dans un communiqué, elle exprime sa «réprobation formelle» et émet «la plus vigoureuse protestation sur ce fait». «La loi, c’est la loi», indique le président de l’Académie, le Pr Denys Pellerin, et, comme la loi qui interdit l’euthanasie est votée, je ne vois pas comment on peut imaginer qu’au sein d’un établissement hospitalier le débat soit rouvert. L’Admd est une association de gens bien portants, qu’on appelle aujourd’hui “usagers” ... dont l’objectif est d’obtenir une prestation –le droit à l’euthanasie et l’assistance au suicide– qui est contraire à la loi. Alors, légaliser une campagne contraire à la loi dans un pays de droit n’est pas acceptable. A ce moment-là, les Témoins de Jéhovah, qui représentent encore plus de monde que l’Admd, pourraient eux aussi siéger et imposer au corps médical d’accomplir des gestes en contradiction avec la loi. On pourrait imaginer que, dans un contexte de pénurie économique, l’Admd fasse valoir que, en aidant trente ou quarante personnes à mourir, autant de lits seraient libérés.»
La crainte de l’Académie est-elle légitime ? «L’Admd répond aux critères fixés par la loi, explique Pierre Zemor, président de la Commission nationale d’agrément , c’est tout. Pour l’agréer, nous n’avons pas pris en compte son activité militante pour faire changer la loi sur l’euthanasie mais son travail de défense des droits des usagers. Ce label lui ouvre une possibilité (siéger dans les instances) , mais ne lui confère aucun droit supplémentaire.»
«Il faut rester humble, estime pour sa part Nicolas Brun. Siéger dans un conseil d’administration ne donne pas un super pouvoir. Bien sûr, la discussion peut faire évoluer les mentalités, certaines questions qu’on n’ose pas évoquer peuvent être soulevées. Mais cela se fera par petites touches et les usagers ne vont sûrement pas orienter de manière unilatérale un projet d’établissement. En revanche, il faut espérer que l’Admd ne concentre pas son activité sur la fin de vie mais qu’elle aborde tous les sujets. Car il ne faut pas oublier que la personne qui siège dans ces assemblées représente l’ensemble des usagers et pas uniquement des personnes atteintes par telle pathologie.»
Les associations agréées
– Union nationale des amis et familles de malades mentaux (Unafam).
– Cutis Laxa Internationale.
– Fédération française des groupements de parkinsoniens (Ffgp).
– Union nationale des associations familiales (Unaf).
– Fédération nationale des associations d’(ex)-patients en psychiatrie (Fnap-Psy).
– Aides.
– Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique et autres maladies du motoneurone (Ars).
– Association pour le droit de mourir dans la dignité (Admd).
– Association française de Gougerot-Sjögren et des syndromes secs (Afgs).
– Vaincre la mucoviscidose.
– Association des paralysés de France (APF).
– Lutte, information, études des infections nosocomiales et sécurité sanitaire (Lien).
– Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath).
– Association Grandir.
– Fédération des associations d’aide aux victimes d’accidents médicaux (Aviam).
– Association des malades porteurs du syndrome de McCune-Albright (Assymcal).
– Vivre comme avant.
– Union des familles laïques (Ufal).
– Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (Clcv).
– Association des malades d’un syndrome néphrotique (Amsn).
– Ligue nationale contre le cancer.
– Alliance maladies rares.
– Fédération nationale SOS hépatites.
« Journal officiel » des 24 août et 14 novembre 2006.
L'agrément pour cinq ans
C'est un décret du 31 mars 2005 qui définit les critères d'attribution de l'agrément des associations de malades ou d'usagers du système de santé. Celles-ci peuvent être agréées si elles peuvent prouver, pour les trois années précédant la demande d'agrément, qu'elles exercent une activité effective et publique en vue de la défense des droits des malades. L'activité effective et publique de l'association est appréciée notamment au regard des actions qu'elle conduit en faveur de la promotion des droits des malades et des usagers auprès des pouvoirs publics, ou pour la participation des malades à l'élaboration des politiques de santé ou bien encore en matière de prévention, d'aide et de soutien de ces personnes. Elles sont également évaluées selon leur représentativité, laquelle est attestée par un nombre suffisant de cotisants. Les organisations représentant, par exemple, des patients atteints de maladies rares ne sont donc pas exclues si elles excipent d'une large audience auprès des personnes qu'elles entendent défendre. Enfin, le financement et les conditions d'organisation et de fonctionnement de l'association ne doivent pas être de nature à limiter son indépendance à l'égard des professionnels de santé, établissements de santé, services de santé et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, ainsi que des producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé. Les demandes d'agrément sont examinées par la Commission nationale d'agrément (CNA) qui rend un avis préalable à l'avis conforme du ministère de la Santé. Les associations sont agréées pour une durée de cinq ans.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature