Claire Compagnon (Ligue contre le cancer) : « Le droit des patients de savoir ou pas »

Publié le 03/10/2001
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--------LE QUOTIDIEN: Le collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui regroupe une vingtaine d'associations de patients (dont la Ligue contre le cancer), a dénoncé, d'une part, l'absence de délais d'accès au dossier médical dans la première version du projet de loi et, d'autre part, l'absence de sanctions en cas de non-respect des droits des malades.



--------CLAIRE COMPAGNON: L'amendement qui prévoit un délai de huit jours pour accéder au dossier médical est très satisfaisant. En revanche, la question du défaut de sanctions n'est absolument pas réglée. Nous, à la Ligue contre le cancer, nous pensons que ce serait grave, pour le respect des droits, de ne pas prévoir de sanction. Nous n'envisageons pas de sanction pénale, mais une sanction administrative, éventuellement financière. Le refus de communiquer les dossiers médicaux pourrait, par exemple, être pris en compte dans la procédure d'accréditation des établissements.


Aujourd'hui, beaucoup de professionnels et d'associations craignent les recours en justice. Mais justement, la meilleure façon d'inciter les malades à aller au tribunal, c'est d'affirmer leurs droits sans les garantir. C'est un peu le paradoxe de ce projet de loi.


-------QM:Que pensez-vous des réserves, émises notamment par l'Ordre des médecins et le premier syndicat de médecins, la CSMF, sur le droit d'accès direct des malades au dossier médical en psychiatrie et en cas de découverte d'un pronostic vital ?


-----Cl.C:On assiste à un glissement terrible. Il faut quand même espérer que le patient n'apprenne pas son diagnostic en lisant son dossier, mais dans le cadre du colloque singulier avec son médecin. Si ce n'est pas le cas, c'est que la médecine a failli.
En cancérologie, les malades ont besoin d'avoir accès à leur dossier médical, notamment pour obtenir un second avis sans avoir à refaire tous les examens. Et là, on est bien dans une relation de confiance, et non de défiance, entre le médecin et son patient. Il faut que les médecins arrêtent d'avoir peur de leurs patients. Donnons toute sa place au colloque singulier.

-----QM:Donc, selon vous, le principe du droit d'accès direct au dossier médical doit s'appliquer dans tous les cas ?


-----Cl.C:Oui, ce principe doit être maintenu dans la loi, car il traduit un changement de modèle. On passe d'un modèle paternaliste, où le médecin savait ce qui était bon pour le malade, à un modèle où le patient est acteur, dans le cadre d'un contrat de soins.
Le projet de loi prévoit déjà de toute façon l'intervention éventuelle d'une tierce personne désignée, sur proposition du malade ou du médecin. Nous, nous sommes d'accord avec ça.
Enfin, l'accès direct au dossier médical, c'est le droit de savoir ou de ne pas savoir. Dans un entretien avec « Libération », Bernard Kouchner précise que, au service d'éthique de l'hôpital de Chicago, seulement 6 % des malades réclament leur dossier.

A. B

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6981