UNE GRAND PARTIE de sa vie se résume dans la formule qu'il avait choisie avec Simone Valère pour raconter leurs souvenirs : «Un destin pour deux.» Jean Desailly, qui aurait eu 88 ans le 24 août prochain, s'est éteint la semaine dernière.
S'il tourna dans des dizaines et des dizaines de films (le couple s'était rencontré lors du tournage du « Voyageur de la Toussaint », de Louis Daquin, en 1942, et l'on n'oublie pas sa merveilleuse interprétation dans « la Peau douce », de François Truffaut), la passion de sa vie fut le théâtre.
Compagnie La Roulotte, d'André Clavé, Conservatoire, Comédie-Française, compagnie Renaud-Barrault, du théâtre Marigny à l'Odéon, grandes tournées internationales, Jean Desailly a joué les classiques, créé les contemporains, chanté, participé à la plus grande aventure théâtrale de l'après-guerre.
Après 68, Barrault, démis de ses fonctions, les Desailly-Valère, ainsi qu'on les appelle, comme leur compagnie, engagent leurs propres projets. Toujours liés à l'élaboration de maisons de théâtre avec répertoire. À Hébertot puis à la Madeleine. Une exigence de grands textes, le goût du jeu, une culture profonde, une élégance, une discrétion.
C'est douloureusement qu'ils quittent la Madeleine en 2002 après avoir joué ensemble « La Maison du lac ». On regrette que pour ces artistes qui, au Japon, seraient des « trésors vivants », les tutelles soient toujours aussi incapables d'imagination. Jean Desailly avait filmé toute la vie de la compagnie Renaud-Barrault, les tournées, les accueils triomphaux en Argentine ou au Brésil. On aurait confié au couple de baladins un bon administrateur, ils auraient mis au point des conférences théâtrales avec images qui auraient passionné le public… Car loin des planches, ces artistes dépérissent et meurent.
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