LE PARADOXE DE CE MIRACLE, le 67e à être officiellement reconnu en 147 ans à Lourdes, c'est que son officialisation aura pris de court la Commission médicale internationale, alors même que pas moins de cinquante ans se sont écoulés depuis les faits. Le responsable de la Cmil, le Dr Patrick Theillier, avait en effet prévu d'inscrire le dossier d'Anna Santaniello à l'ordre du jour de la prochaine réunion des 25 médecins qui composent l'instance d'instruction des guérisons médicalement inexpliquées, le 26 novembre à Paris. Mais Mgr Gerardo Pierro, l'archevêque de Salerne (Italie du Sud), lieu de résidence d'Anna Santaniello, n'a pas voulu attendre un jour de plus. Le 11 novembre, il a surpris son monde en proclamant officiellement miraculeuse cette guérison.
Un pèlerinage de la dernière chance.
Le cas Santaniello est enregistré dans les archives lourdaises depuis 1952. Cette année-là, une malade italienne de 41 ans enfreint les avis contraires de ses médecins en débarquant pour un pèlerinage de la dernière chance. « Son dossier médical, tenu auparavant en Italie, fait état d'une malformation cardiaque sévère, confie le Dr Theillier. Anna Santaniello avait été atteinte d'un rhumatisme articulaire aigu, tout comme son frère et sa soeur, qui en sont tous deux décédés. Elle-même, arrivée à la quarantaine, atteinte de la maladie de Bouillaud et d'une maladie mitrale, décompensait sur le plan cardiaque à un point tel qu'elle présentait des oedèmes des membres inférieurs et une cyanose de la face et des lèvres. Elle ne s'alimentait plus et c'est sur une civière qu'elle fut conduite aux baignoires des sanctuaires de la grotte de Lourdes. »
D'après les médias italiens, qui relatent abondamment l'épisode cette semaine, elle se souvient que « l'eau de la source était glacée et qu'(elle a) senti quelque chose qui brûlait dans (sa) poitrine, comme si on (lui) rendait la vie. Quelques secondes après, poursuit-elle, alors que je ne pouvais plus faire un seul pas, je me suis levée toute seule et je me suis mise à marcher, en refusant l'aide des brancardiers, qui me regardaient avec incrédulité ».
Commence alors une longue série d'examens, parcours obligé de la procédure d'officialisation. « Dès le lendemain, reprend le Dr Theillier, Anna Santaniello est examinée par cinq médecins qui lui trouvent un pouls régulier à 90, des oedèmes nettement rétrocédés, un appétit redevenu normal. En fait, plus aucun signe de décompensation cardiaque n'est signalé. »
Rentrant chez elle, la jeune femme consulte en chemin un cardiologue de Turin qui, trois jours après la guérison, réalise un électrocardiogramme au tracé parfaitement normal. En 1960, un cardiologue new-yorkais du nom de Pamieri confirme les examens turinois. Et derechef en 1962, avec le Dr Ganière, d'Angoulême, membre de la Société française de cardiologie, puis en 1962 le Dr Pierre Merle, cardiologue de Montpellier, valident ces observations. La maladie mitrale a disparu sans laisser de séquelles.
Tous ces médecins concluent au caractère médicalement inexplicable de la guérison de la patiente italienne. Et leur avis est finalement entériné par un rapport de la Cmil en 1964.
Le protocole d'officialisation du miracle dispose que c'est alors à l'évêque de statuer. En l'occurrence, l'archevêque titulaire du siège de Salerne, auquel est transmis le dossier, estime que celui-ci « ne pouvait recevoir une conclusion en faveur de l'hypothèse du miracle, sans pourtant pouvoir la récuser ».
En fait, au-delà de cette formulation quelque peu alambiquée pour ne pas dire contradictoire, le Dr Theillier estime que le prélat a sans doute été défavorablement impressionné par la partie du dossier qui décrit l'état de la patiente avant son pèlerinage : « Deux diagnostics furent alors posés par les médecins traitants, celui d'un généraliste qui évoque une insuffisance mitrale et celui d'un cardiologue qui parle, quant à lui, d'un rétrécissement mitral. C'est cette discordance qui a probablement conduit à enterrer le dossier, alors que, de toute manière, on était en présence d'une maladie mitrale caractérisée. »
Miraculée ou non, la patiente retrouve son activité d'infirmière puéricultrice, revenant à plusieurs reprises à Lourdes, pour accompagner des malades. Et l'an dernier, elle adresse un courrier au Dr Theillier, d'une écriture sans tremblement, pour lui rappeler qu'elle a été guérie il y a quelque 52 ans et qu'elle se porte toujours très bien. Le responsable de la Cmil reprend le dossier. « En octobre 2004, je l'ai rencontrée, confie-t-il au "Quotidien". J'ai trouvé une veille dame absolument splendide, qui vit seule dans sa maison, debout tous les matins à six heures et pratiquant la broderie sans porter de lunettes. J'ai alorsdécidé qu'il fallait publier dans le bulletin de l'association médicale un article pour s'étonner de la panne de procéduresur ce cas. »
Mais le nouvel archevêque de Salerne s'est réveillé avant : il a déclaré canoniquement Anna Santaniello 67e miraculée officielle de Lourdes.
Cinquante-trois ans après la guérison et 41 ans après la fin de la procédure d'expertise médicale, ce n'est peut-être pas le moins extraordinaire dans toute cette affaire que la miraculée se porte aujourd'hui comme un charme, réunissant tous les critères exigés par les textes : guérie d'une maladie organique grave d'une manière soudaine et sans avoir subi de rechutes.
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