Ostéoporose
A L'OCCASION d'une enquête menée en octobre dernier auprès de cinquante rhumatologues parisiens, le Dr Bernard Verlhac (hôpital Sainte-Perrine, Paris) a pu comparer les habitudes de prise en charge de l'ostéoporose par les rhumatologues aux recommandations émises par l'Anaes.
Ainsi, en cas de suspicion d'ostéoporose, 94 % des rhumatologues demandaient une absorptiométrie biphotonique, un bilan phosphocalcique standard (92 %) et une calciurie (84 %). « La demande de mesure de densité osseuse est logique, souligne B. Verlhac, puisqu'elle est à la base de la définition de l'ostéoporose. Sa prescription par les rhumatologues correspond globalement aux recommandations de l'Anaes. » D'autres examens, à visée étiologique, comme l'électrophorèse des protides, le dosage de la TSH, celui de la parathormone et de la vitamine D sont également fréquemment demandés.
Des marqueurs du suivi.
« Ce qui est particulièrement intéressant dans cette enquête, note B. Verlhac, c'est qu'on commence à voir apparaître l'habitude chez les rhumatologues de demander, dans un but diagnostique, le dosage des marqueurs de construction osseuse comme l'ostéocalcine et le CTX (télopeptide C) sérique (un tiers des cas). Or, ces dosages ne sont pas actuellement recommandés pour le diagnostic d'ostéoporose, bien que certains d'entre nous, lors de l'élaboration des recommandations, y aient été favorables. En revanche, ils sont très utiles comme éléments prédictifs de la perte osseuse et du risque fracturaire ainsi que dans la décision de prise en charge thérapeutique et dans son suivi. Paradoxalement, ils sont peu prescrits par les rhumatologues dans la surveillance du traitement, ce qui dénote une petite incohérence ». En effet, le dosage du CTX est très important après six mois de traitement. Il peut même être demandé dés le troisième mois chez une femme un peu réticente à laquelle il faut prouver l'efficacité du traitement. Quant à la mesure de la densité osseuse, elle est intéressante à l'issue des deux premières années de traitement pour évaluer à nouveau le risque fracturaire.
Maintenir la masse osseuse.
A elle seule, la densité ne rend pas compte de la résistance osseuse. Or, aujourd'hui, on ne mesure que ce paramètre. C'est la raison pour laquelle les traitements, préventifs et curatifs, visent tous à augmenter le pic de masse osseuse qui existe en fin de croissance, puis à maintenir la densité osseuse jusqu'à l'âge de 50 ans et, enfin, à agir sur le fléchissement de la courbe de masse osseuse à partir de la ménopause.
Dès le début de la vie, il faut viser un pic optimal de masse osseuse par l'apport calcique, qui doit atteindre 1g/j et qui aujourd'hui n'est pas universellement assuré par un apport correct en protéines, « sans pour autant, comme le souligne le Pr Claude Jeandel (Montpellier), tomber dans l'excès, sous peine d'avoir les effets inverses à ceux recherchés » ; par la pratique d'une activité physique régulière en charge par une attention particulière aux fonctions gonadiques et par la recherche d'anomalies pubertaires (surtout chez la fille). Quant aux apports en vitamine D, ils sont généralement assurés sous nos climats. Sans oublier les effets délétères du tabac sur la constitution de la masse osseuse...
Entre 30 et 50 ans, il faut dépister et traiter les endocrinopathies pourvoyeuses de perte osseuse : hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie, primaire, syndrome de Cushing, acromégalie, hypogonadisme, insuffisance antéhypophysaire, diabète, ménopause précoce, Il faut également savoir que certains médicaments peuvent avoir des effets délétères sur l'os.
Minimiser la perte osseuse.
A partir de 50 ans ou de la ménopause, l'objectif est de ralentir le plus possible la perte osseuse. Pour cela, il existe deux stratégies : non pharmacologique et pharmacologique.
Concernant la stratégie non pharmacologique, la démarche nutritionnelle prévaut. Les apports en calcium et en vitamine D sont à maintenir. « De nombreuses études ont montré l'intérêt d'une telle démarche dans la prévention des fractures, déclare C. Jeandel, qui souligne également que, chez la personne âgée, l'absorption du calcium est modifiée et que l'apport recommandé aujourd'hui doit atteindre 1 500 mg par jour. En outre, la supplémentation en vitamine D est très importante, surtout chez les personnes âgées qui vivent dans des situations de confinement. »
Deuxième point de la démarche nutritionnelle : la conservation de la masse maigre avec un apport en protéines de 1 g/kg/j, en sachant qu'en période postinfectieuse un apport de 1,2 g/j doit être assuré pendant quatre fois le temps de l'infection si l'on veut reconstituer la perte en protéines. « Conserver la masse maigre, c'est jouer sur plusieurs tableaux, explique C. Jeandel : sur les muscles et sur les os. Plus la force musculaire est importante, moins les chutes sont fréquentes et plus la densité osseuse est importante, d'où l'intérêt d'une activité physique en charge, en contrainte dynamique. »
Quant au poids et à la masse grasse, ils doivent également être conservés. Non seulement à cause de la persistance de la synthèse d'estrogènes périphériques au niveau du tissu adipeux en postménopause, mais aussi par le biais de la leptine sécrétée par les cellules graisseuses, qui module de nombreuses fonctions endocriniennes et stimule de manière directe le développement des cellules musculaires.
« Je conseille aussi en préventif, souligne C. Jeandel, le port de protecteurs externes de hanche pour prévenir la fracture du col fémur chez les sujet âgés chuteurs. »
L'éventail des molécules.
Il y a deux grandes familles de médicaments pour traiter l'ostéoporose : les médicaments qui agissent sur la résorption et ceux qui stimulent la formation. Parmi ces derniers, les sels de fluor ne sont plus utilisés aujourd'hui, mais un nouveau médicament à base de parathorme humaine recombinante va bientôt être commercialisé en France sous le nom de Forsteo (tériparatide). En effet, la Commission européenne du médicament a délivré une autorisation de mise sur le marché pour ce produit dans le traitement de l'ostéoporose avérée chez les femmes ménopausées. « En outre, souligne C. Jeandel, nous espérons que le ranélate de strontium actuellement en développement et qui agit à la fois sur la densité et le remodelage osseux tiendra ses promesses. »
C'est au niveau de l'inhibition de la résorption que se situe la majorité des thérapeutiques comme le calcium, la vitamine D, les bisphophonates et les traitements hormonaux
Les bisphophonates ont démontré leur efficacité dans la prévention des fractures périphériques et des fractures vertébrales et il en existe désormais deux (l'alendronate, Fosamax, et le résidronate, Actonnel, qui peuvent être administrés en une seule prise par semaine. Les SERM (modulateurs spécifiques des récepteurs aux estrogènes) ont, quant à eux, un mécanisme d'action original : ils font partie des traitements hormonaux, mais, à la différence des estrogènes, ils agissent sur des cibles spécifiques, osseuse et cardio-vasculaire. Leur sélectivité pour les récepteurs aux estrogènes épargne le sein et l'utérus et pourrait même avoir un effet antagoniste sur ces organes. « Le raloxifène a une parenté chimique avec le tamoxifène, antinéoplasique mammaire, rappelle C. Jeandel. » En revanche, ils sont contre-indiqués en cas d'antécédents thrombo-emboliques.
En ce qui concerne les estrogènes, deux études récentes (Women's Health Initiative ou WHO et MWS ou Million Women Study) ont remis en cause l'indication du traitement hormonal substitutif en prévention de l'ostéoporose. Les recommandations de l'Afssaps sont donc désormais prudentes et préconisent l'administration d'un THS chez la femme ménopausée qui a un risque élevé de fractures, uniquement lorsqu'elle présente une intolérance à un autre traitement indiqué dans la prévention de l'ostéoporose et après une évaluation individuelle précise et soigneuse du rapport bénéfice/risque.
« Le maintien de la densité osseuse, précise C. Jeandel, doit être un objectif, mais ce ne doit pas être le seul. On ne peut pas expliquer l'efficacité du raloxifène ou des bisphophonates uniquement par leurs effets sur la densité osseuse. Si on se limitait à ces effets, on n'aurait pas autant de réduction du taux des fractures. Certains traitements passent donc probablement par une autre voie que la modification de la densité osseuse et interviennent probablement sur la microarchitecture. »
La prescription en pratique.
Les médicaments ne manquent donc pas et la palette va encore s'élargir. Reste à les utiliser à bon escient. « Les principes, explique C. Jeandel. Si la patiente a des antécédents de maladie thrombo-embolique, les bisphophonates s'imposent ou, demain, le tériparatide. Si la patiente a des antécédents de cancer du sein, rien ne contre-indique les Serm. Il faut ensuite décider de la durée du traitement. La preuve de l'intérêt du raloxifène chez les femmes très âgées n'a pas encore été apportée, poursuit-il, il est donc licite de considérer que les Serm ont une place jusqu'à 70 ans- 75 ans. A partir de cet âge, les bisphophonates peuvent être prescrits en relais. Cette approche séquentielle prévaut aujourd'hui, aucune étude n'existant encore sur l'intérêt de l'association des deux traitements.
D'après les communications du Dr Bernard Verlhac et du Pr Claude Jeandel.
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