« La mise en place, il y a quelques années, d'un statut original pour chacun des sept CHU belges a permis non seulement d'éponger leur dette, mais même de constituer un bon matelas financier », relate, non sans fierté, le Pr Christian Bouffioux, directeur médical du CHU de Liège (l'équivalent du président de la CME dans nos hôpitaux). Une allocution applaudie à tout rompre par les directeurs généraux et les présidents de CME de CHU français présents à Nice, où se déroulaient les 8es Assises nationales hospitalo-universitaires (« le Quotidien » du 10 mars).
Les responsables des 31 CHRU de France ont été en effet séduits par l'initiative de leurs homologues belges, et réfléchissent déjà aux moyens de la transposer dans notre système de santé.
Pour redresser leur situation financière, dans le rouge depuis des années, les CHU belges ont eu l'idée d'associer les médecins à leur gestion financière et au partage des bénéfices. L'opération a très vite porté ses fruits. A tel point qu'on a reversé aux médecins une partie des bénéfices, en échange des efforts accomplis. Une sorte de treizième mois, dont le montant avoisine les 17 000 euros au CHU de Liège, par exemple.
Concrètement, comment un tel redressement a-t-il été possible ? En Belgique, le financement des hôpitaux est fondé sur l'activité ; la production d'honoraires à l'acte constitue près de la moitié de ce financement. Les médecins dits « définitifs » ont pour la plupart un statut strict et sont payés forfaitairement. Leurs revenus sont inférieurs à ce qu'ils pourraient obtenir dans le secteur privé ; le fameux treizième mois, qui dépend de la performance financière de l'hôpital, les motive à être efficace.
Le Pr Christian Bouffioux illustre son propos avec l'exemple qu'il connaît le mieux, le CHU de Liège. « Depuis plus de dix ans, explique-t-il, un contrat de gestion a été proposé au conseil médical, qui l'a accepté, contrat qui fait l'objet d'une reconduction annuelle après discussion. » Ce contrat établit le budget global des honoraires médicaux et des services administratifs « de façon à dégager un résultat minimal » ; les enveloppes attribuées à chaque service, négociées par le chef de service en fonction des résultats obtenus dans son service, payent les frais de personnel, le salaire des médecins, ainsi que l'amortissement des investissements propres au service. Une bonne moitié des bénéfices réalisés chaque année retourne à l'institution ; le reste, le conseil médical le reverse à chaque médecin « définitif » du CHU sous forme de treizième mois. Le conseil médical « joue le jeu à fond », note le Pr Bouffioux, « parce qu'il a intérêt à ce que chaque service soit le plus performant possible afin d'améliorer le return vers les médecins et les capacités d'investissement ».
« De toute façon, poursuit-il, qui mieux qu'un médecin peut juger des performances possibles d'un service (...) ? ». A en juger par les bénéfices réalisés par le CHU de Liège, l'idée semble bien fondée. Entre 1991 et 2002, « non seulement un endettement de (...) environ 37,5 millions d'euros a été comblé, mais des réserves de l'ordre de 55 millions d'euros ont été constituées », rapporte Christian Bouffioux.
« La philosophie de ce contrat, conclut-il, c'est que, contrairement aux idées reçues, les médecins savent être de parfaits gestionnaires quand on leur donne des responsabilités ». Le message a semblé bien accueilli par les directeurs des CHU français. Reste à le mettre en pratique.
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