Entretien avec Philippe Burnel, délégué général de la FHP

CHU et T2A : une impossible équation ?

Publié le 21/04/2010
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Adoptée en 2004 en bénéficiant d’un large consensus professionnel et politique, la T2A se heurte à un nombre croissant d’opposants qui lui imputent, souvent à tort, l’ensemble des difficultés et du mal-être de l’hôpital public. Parmi ceux-ci figurent d’assez nombreux professeurs de médecine, arguant que la T2A n’est pas faite pour les CHU.

Mais ne faudrait-il pas plutôt affirmer que ce sont les CHU qui ne sont pas faits pour la T2A ? En d’autres termes que les CHU sont structurellement inaptes à faire face aux exigences d’efficience portées par la T2A et qu’il est vain de chercher à les faire entrer dans des règles du jeu qui leur sont étrangères ?

Leur taille combinée à la complexité de leur gouvernance constitue à l’évidence un obstacle majeur à l’efficience. Il existe une abondante littérature internationale sur la taille optimale des hôpitaux. Le nombre idéal de lits varie entre 300 et 500, selon les études. Avec plusieurs milliers de lits, les CHU sont au-delà de toute limite raisonnable. Il serait bien sûr concevable, en théorie, qu’ils soient gérés comme s’ils étaient composés de plusieurs établissements autonomes rattachés à une holding mettant en commun les fonctions stratégiques et quelques fonctions logistiques. Mais force est de constater l’absence d’avancées dans ce domaine en dépit des innovations législatives successives, mettant ainsi en évidence les limites du management public, où au-delà d’une certaine taille les phénomènes bureaucratiques et corporatistes s’expriment avec plus de force que les injonctions gestionnaires.

L’excellence ne concerne pas le gestionnaire

L’autre raison est plus complexe. Elle tient à leur métier même et au fait que les exigences d’excellence portées par les professionnels ne sont pas celles des gestionnaires. Certes, les CHU produisent des soins qui pour la plupart des séjours sont de même nature que ceux réalisés au sein des centres hospitaliers ou des cliniques. Mais c’est la fraction quantitativement minoritaire (moins de 10 % de l’activité selon une étude récente du ministère de la Santé) des soins de haute technicité qui mobilise les énergies, structure l’organisation des soins, modèle les esprits, définit les critères d’excellence et assure la promotion universitaire et scientifique. En d’autres termes, il semble difficile de demander aux mêmes acteurs de se mobiliser à la fois sur la recherche de l’excellence scientifique et sur celle de l’efficience. On voit bien que cette dernière est toujours considérée comme seconde, pour ne pas écrire subalterne.

Réduire la taille des CHU

Que proposer pour répondre à ces difficultés ? Ainsi, je soumets au débat deux idées complémentaires.

La première est de réduire la taille des CHU, en distinguant le CHU (on pourrait aussi l’appeler un institut hospitalo-universitaire…) d’un ou plus ou plusieurs centres hospitaliers pouvant intégrer une partie des soins de recours qui ne doivent pas être concentrés sur les seuls CHU. Le financement ne serait plus assis sur l’activité de soins quantifiée sur la base des GHS, mais sur des évaluations plus globales prenant en compte la contribution scientifique et universitaire.

Inscrire les CHU dans un réseau

La deuxième est d’inscrire les CHU dans un véritable réseau qui permette aux équipes qui l’habitent de diffuser leur savoir au-delà des murs du CHU proprement dit. Faire des CHU ainsi restructurés les têtes de réseaux de la médecine hospitalière en matière de recherche, d’enseignement et d’évaluation des compétences.

Outre la médecine de premier recours, l’organisation hospitalière verrait confirmer sa structuration en deux niveaux. Mais plutôt que de voir ces deux niveaux mis faussement en concurrence sur la base du financement à l’activité, leur dissociation et leur complémentarité seraient assumées sur la base d’un schéma clair : Des CHU concentrés sur leur mission d’excellence et dégagés d’une contrainte de ressources trop prégnante. De l’autre, des CH compétitifs et des cliniques assurant la réponse aux besoins de prise en charge des patients, capables de fournir des soins de recours mais solidement maillés avec leur CHU.

Tribune libre de Philippe Burnel, délégué général de la FHP.

Source : Décision Santé: 264