INGRID.
Nous avons fêté, avec la libération de cette femme exceptionnelle, non pas un destin individuel, mais sa liberté et la nôtre. Par opposition au terrorisme sous toutes ses formes, nous défendions la vie. Nous avons tous tenu à dire que la privation injuste de liberté n'est pas plus acceptable que le crime politique. Une femme frêle, sortie d'une jungle atroce où elle a vécu pendant six ans dans des conditions indescriptibles, nous a donné, dans chacun de ses discours, une leçon de liberté irréductible.
Malheureusement, le message n'a pas été compris de tous. Ségolène Royal a cru bon de continuer à faire de la politique au moment même où celle-ci cédait le pas à l'émotion, à la ferveur, à la joie. Elle a cru bon d'affirmer que «Nicolas Sarkozy (n'était) pour rien» dans la libération d'Ingrid puisque l'opération a été militaire et colombienne à cent pour cent. La seule préoccupation de l'ex-candidate à la présidence consistait à préserver ses chances aux prochaines élections alors que les Français s'enthousiasmaient pour une liberté dont ils ne se souviennent pas toujours qu'elle n'est pas acquise et qu'elle constitue leur bien le plus précieux.
En plus, Mme Royal se trompe d'analyse : le président colombien, Alvaro Uribe, a des responsabilités ; il n'a jamais accepté de placer le sort des otages au-dessus de son combat contre les FARC. La France, de Chirac à Sarkozy, lui a expliqué qu'il n'était pas question de sacrifier la vie d'Ingrid Betancourt à la politique officielle de répression des forces dites révolutionnaires. Le message est passé : ce sont des hommes désarmés qui ont libéré Ingrid, et l'ex-otage le sait. Elle sait ce qu'elle doit à la France, parce qu'elle sait que si les Français ne s'étaient pas mobilisés, elle risquait de croupir pendant encore des années dans la jungle ou d'être tuée dans une opération militaire.
Que Mme Royal n'ait pas eu le simple réflexe de participer au bonheur national est confondant. Même des socialistes l'ont critiquée. Elle aussi aurait besoin de prendre des vacances. Mais elle a remis ça. Pour bien montrer son indifférence aux critiques, elle a de nouveau attaqué Nicolas Sarkozy au sujet de ses réflexions sur les grèves.
FACE A LA GRACE INFINIE D'INGRID, LA RUDESSE DE SEGOLENE
NICOLAS.
Cette fois, le président n'a pas volé les remarques acerbes que lui a attirées son discours devant l'UMP samedi dernier : «La France change, elle a changé. (...) Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit.» Ce n'est pas faux, mais c'est quand même tirer une leçon générale d'une expérience brève et récente : l'insuccès des grèves de juin. Décidément, on ne changera pas le président ; il ne peut pas s'empêcher de triompher. Il parle en public comme en privé, avec le même langage cru, et il se paie même le luxe de prononcer des mots imprononçables. On ne l'en félicitera pas, mais on ne niera pas qu'il dit la vérité, à savoir que les syndicats sont pour le moins désemparés et divisés, qu'ils s'interrogent sur l'efficacité de leur action dans un climat de réforme permanente, que le train du pouvoir bouscule tous les obstacles érigés sur la voie. François Léotard publie un livre pour dire que «ça va mal finir», mais les Cassandre n'ont pas forcément raison. M. Sarkozy ne gouverne certes pas avec finesse. Il n'en réussit pas moins à changer la France, au point que, s'il était empêché et remplacé par un autre président dès aujourd'hui, aucun parti ne pourrait engager de politique qui ne tienne pas compte de ce qui a été fait par lui.
SOMMET DU G8.
Les chefs d'État et de gouvernement qui, au Japon, ont participé au sommet des pays dits les plus riches du monde ont invité quelques homologues africains pour leur dire, grosso modo, qu'ils ne peuvent pas faire grand-chose au sujet de la crise alimentaire, même si les engagements d'aide précédents sont confirmés. À quoi le G8 sert-il ? Il a publié un communiqué final où il exprime son inquiétude sur les désordres financiers, sur le prix de l'énergie, sur l'inflation, sur la croissance. M. Bush a fait la énième déclaration américaine sur la nécessité d'un « dollar fort ». Il se moque du monde. Le G8 réclame une réévaluation de la monnaie chinoise qui ne dépend que de la Chine. Heureusement, des décisions sur l'environnement ont été prises. Mais on ne peut pas dire que ce sommet a adopté des mesures propres à résoudre les crises actuelles du monde.
EUROPE.
La présidence française, qui a commencé le 1er juillet, ne se passe pas trop mal. Le président polonais ayant décidé de ne pas signer le traité, M. Sarkozy s'est contenté de dire que Lech Kaczynski avait pris un engagement formel en faveur de la signature et qu'il n'y a aucun risque qu'il se déjuge. On sera fixé dans les semaines qui viennent. Entre-temps, fait assez rare, les 27 semblent proches de conclure un Pacte (préparé par la France) de l'immigration censé exiger de tous les pays membres qu'ils appliquent les mêmes règles : lutte contre l'immigration clandestine, immigration « choisie », surveillance accrue aux frontières de l'Union.
TEMPS DE TRAVAIL.
Vous avez dit détricotage de la semaine des 35 heures ? Voilà que les députés décident que, pour les cadres, le nombre annuel des jours travaillés augmente de dix-sept. Pas moins. Il est vrai que les cadres sont ceux qui ont le plus profité des 35 heures, c'est-à-dire des jours de RTT qui compensaient le temps de leur semaine plus longue. On vous l'a dit : la réforme, c'est un bulldozer. Le gouvernement doit néanmoins veiller à ne pas aggraver le mécontentement dans son propre électorat.
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