Christine Malèvre n'en démord plus : sur les sept assassinats qui lui sont reprochés, l'ancienne infirmière de Mantes-la-Jolie ne s'impute aujourd'hui que la mort de deux patients, celles de Hubert Bruyelle (6 novembre 1997) et de Patrick Haugel (12 mars 1998), à leur demande, précise-t-elle aux jurés de la cour d'assises de Versailles. En mai 1998, elle avait reconnu, lors de sa garde à vue, une trentaine de cas à son actif.
Durant la première semaine de son procès, Christine Malèvre a dû faire face à l'examen des conditions dans lesquelles ses victimes présumées sont mortes. Contrairement à ce qu'elle avait écrit dans son livre, intitulé « Mes aveux », elle nie à présent sa responsabilité dans la mort de Raymond Baudet (21 février 1997). Pour se justifier, elle déclare qu'elle a beaucoup réfléchi à ce cas lors de la psychothérapie qu'elle a suivie pendant quatre ans. « Si je me suis accusée d'euthanasie sur M. Baudet, c'est peut-être parce que je n'ai rien fait pour lui permettre de respirer », a-t-elle déclaré à propos de ce patient, qui aurait eu besoin d'une aspiration rapide des bronches. Pour Jacques Gutton (3 mai 1998) et Dominique Kostmann (17 novembre 1997), elle dit n'avoir eu des gestes que « pour calmer la douleur et l'angoisse ». Et elle conteste totalement être impliquée dans les décès de Denise Le Maout (9 novembre 1997) et de Patrice Collin (27 avril 1998).
Des anciens collègues de l'infirmière, soignants et médecins, ont affirmé à la barre que les souffrances de ces malades, généralement incurables mais qui avaient encore quelques mois, voire quelques années à vivre, étaient bien prises en charge dans le double service de pneumologie et de neurologie, contrairement à ce qu'affirme Christine Malèvre. Dans le service, des soupçons pesaient sur l'infirmière bien avant la révélation des faits, en mai 1998. Dès le mois de novembre 1997, le Dr Laurence Kouyoumdjian, chef de l'unité de pneumologie, affirme qu'elle a averti la surveillante générale, Véronique Raff, ainsi que son supérieur hiérarchique, le Dr Olivier Ille, neurologue. Rien n'a été toutefois entrepris par la suite.
Une dérive de la société
Citée par la défense, la psychologue Marie de Hennezel, spécialiste des soins palliatifs et chargée de mission auprès du ministre de la Santé, a évoqué la responsabilité des chefs des équipes « qui ont laissé une infirmière dans son coin ». Selon elle, le cas de Christine Malèvre, « qui n'est pas un cas isolé, mais condamnable bien sûr », correspond à une « dérive de notre société », laquelle se « décharge » de ses mourants « sur des soignants pas formés ».
Affinant sa ligne de défense, Christine Malèvre, qui n'avait effectivement reçu aucune formation sur les soins en fin de vie, s'est interrogée devant la cour, en fin de semaine dernière, sur ses capacités à travailler dans « un service aussi lourd ». « Je me suis laissé envahir pas ma sensibilité », a estimé l'infirmière, en ajoutant : « Je n'ai pas pris le recul que j'aurais dû prendre. »
Marie-Louise Darmon, la directrice de l'école d'infirmières de Mantes-la-Jolie, dont Christine Malèvre est sortie major, a mis également en cause la responsabilité de l'hôpital de Mantes-la-Jolie. « Il y avait des signaux que personne n'a vus. Comment a-t-on laissé faire aussi loin, qu'est-ce qui s'est passé au sein de l'équipe ? » s'est-elle interrogée, en regrettant l'absence d'un lieu de parole au sein de l'hôpital, « car pour les soignants, il est extrêmement important qu'on puisse évacuer ».
Les familles des victimes attendent toutefois que justice soit rendue, en l'espèce, sur les agissements meurtriers d'une infirmière. Les jurés entendront demain les plaidoiries des parties civiles et le réquisitoire du ministère public. Vendredi, Me Libman devra plaider pour sa cliente qui risque la prison à perpétuité. Verdict en principe vendredi soir.
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