C'est en 1982 que Christine Katlama s'engage dans la lutte contre le sida, un an avant d'être nommée chef de clinique à l'hôpital Claude-Bernard à Paris. « Le sida est arrivé comme une déferlante. On voyait tout à coup, dans nos services, des jeunes gens avec de la fièvre qui mouraient sans que l'on sache ce qu'ils avaient, se souvient-elle. C'était vraiment un choc terrible pour nous, jeunes médecins. »
Quatre ans plus tard, ce sera grâce à elle que l'on découvrira le VIH2. « L'un de mes patients, originaire du Cap-vert, que j'avais connu en gastro alors que je terminais mon internat, présentait toutes les caractéristiques du sida. Mais, avec les tests de l'époque, sa sérologie était négative », explique Christine Katlama, qui était pourtant convaincue du diagnostic de sida. Elle part alors au Cap-Vert avec le Dr Françoise Brun-Vézinet (virologue). Sur place, les deux jeunes femmes découvrent une population porteuse d'un virus que personne ne connaît encore à l'époque.
De multiples activités
Professeur des universités, praticienne hospitalière, coordonnatrice de l'activité ambulatoire de l'hôpital de jour du service infectiologie et maladies tropicales de la Pitié-Salpêtrière dirigé par le Pr Bricaire (2 500 patients séropositifs y sont suivis), Christine Katlama, à 48 ans, jongle aujourd'hui entre ses consultations, l'enseignement à la faculté et la recherche au sein de l'unité d'investigation qu'elle a créée il y a quelques années.
Médaillée du Mérite et nommée au grade de chevalier de la Légion d'honneur en décembre dernier, elle gère une trentaine de protocoles actifs avec son équipe, avec pour objectif la simplification des traitements, l'immunothérapie et la lutte contre les résistances. Il y a un mois, elle était à Boston à la 10e Conférence américaine sur les rétrovirus et les infections associées pour présenter les résultats de l'étude « Gighaart » (un protocole qui mêle huit ou neuf molécules testées sur des patients en échec thérapeutique).
Une dimension internationale
« On compte de 2 000 à 3 000 patients multirésistants en France », précise-t-elle. Mais cette spécialiste qui partage sa vie avec le Pr Gilles Brucker, se veut optimiste : « Ça avance ; mais il faut poursuivre les recherches. Et l'enjeu est aujourd'hui aussi l'accès aux antirétroviraux en Afrique. » Jumelée avec le CHU d'Angers et trois centres maliens dans le cadre du réseau ESTER*, l'équipe d'investigation du Pr Katlama développe des protocoles de recherche clinique pour favoriser l'accès aux traitements et former des médecins du pays. « Dans le sida, le combat est permanent », dit-elle. Mais Christine Katlama n'est pas du genre à renoncer. Tenace, indépendante, elle n'hésite pas à faire la leçon aux laboratoires pharmaceutiques pour qu'ils acceptent de baisser les prix des antirétroviraux en Afrique ou encore à prendre sa plume pour écrire au ministre de la Santé malien quand les choses n'avancent pas assez vite.
Présidente actuelle de l'European Aids Clinical Society, cofondatrice d'un groupe de recherche international sur la vaccination thérapeutique (Orvacs), elle est impliquée dans plusieurs associations européennes et internationales consacrées à la recherche contre le sida et à la formation de médecins et de cliniciens ; elle sillonne le monde et les congrès internationaux, pour y défendre au côté de ses confrères français, les essais menés dans l'Hexagone. « Le sida est un thème complet. C'est un combat à la fois humain, clinique, scientifique, mais aussi éthique et socio-politique. Tout ce que j'aime », dit cette militante passionnée.
* Initiative de coopération internationale contre le sida, entre hôpitaux du Nord et du Sud mise en place par Bernard Kouchner.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature