Arts
L'énorme succès mondain de Christian Bérard, l'éclat et le retentissement de ses décors de théâtre pour Louis Jouvet ont occulté une part notable de son uvre, celle d'un peintre qui reste à découvrir.
Né en 1902 (on fête ainsi son centenaire), Christian Bérard fait ses classes artistiques à l'Académie Ranson, sous l'égide de Maurice Denis et de Vuillard, ce qui est une manière de bien amorcer sa carrière.
Celle-ci trouve son envol avec Jean Cocteau qui lui confie, en 1930, le décor de « la Voix humaine » pour la Comédie française. Entre temps, Bérard aura exposé à la galerie Pierre Loeb en 1925, qui était alors un des hauts lieux de la prospection sans préjugé dans l'aventure de l'art vivant. De son côté le critique Waldemar George avait créé le groupe du « nouvel humanisme » où Bérard était confronté à Pavel Tchelitchew et aux frères Berman, des artistes dévorés par les mondanités et le théâtre mais en qui s'incarne un courant de la peinture de ces années folles oscillant entre surréalisme et un réalisme hanté.
De fait, Christian Bérard, qui se livre alors à une importante activité de décorateur pour des pièces de Cocteau, Marcel Achard et surtout Jean Giraudoux, pratique la peinture d'une manière presque clandestine, d'où la méconnaissance que l'on a gardé de son travail hors la scène du théâtre.
En mettant l'accent sur cette production, l'exposition révèle à la fois l'originalité foncière de son approche du monde de la réalité et son inscription dans un courant qui va s'amorcer dans les espaces infinis et hantés d'un Yves Tanguy pour s'achever dans l'univers à la fois sensuel et mystérieux de Léonor Fini. L'uvre de Bérard s'inscrit dans cette manière à la fois raffinée et ténébreuse où les présences des personnages se confondent avec des sortes d'apparitions dont Cocteau a bien su donner le sens. Il peut évoquer sa main « surprenante, savante, gracieuse, légère, une main de fée ». Tandis que Jean-Louis Barrault a relevé son « amour de la vie sur fond de souffrance, d'angoisse, de nostalgie, de chagrin et de tristesse... ».
Alors que ses décors jouent le parti d'un esprit alerte, fastueux et brillant, sa peinture, toute de retenue et de réflexive mélancolie, distille un univers pesant de solitude et d'angoisse, sans rien de ce poids que l'expressionnisme voulait donner à la douleur. Chez lui la douleur est pudique, et l'angoisse fardée de délicatesse.
Hommage à Christian Bérard (1902-2002). Musée d'art moderne de Troyes. Jusqu'au 12 janvier.
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