VENDREDI 7 MAI, 15 h. Dans la salle 32-71 du ministère de la Santé, une quarantaine d'étudiants venus de toute la France sont assis devant un écran géant. La Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos) du ministère de la Santé, qui supervise l'organisation des concours médicaux, les a invités à découvrir le logiciel informatique avec lequel ils devraient choisir leur spécialité et leur lieu d'affectation à l'issue des épreuves classantes nationales (ECN). Depuis plusieurs semaines, les étudiants réclament des précisions sur cette procédure très floue (« le Quotidien » du 30 mars 2004). Les informations dont ils disposent se sont longtemps résumées à quelques lignes dans un arrêté ministériel paru le 5 février : « Tous les étudiants sont tenus d'exprimer leurs vœux d'affectation, par discipline d'internat et par subdivision géographique, classés par ordre de priorité décroissante » lors d'une « procédure nationale informatisée, sécurisée et interactive des choix de postes. »
Avant de commencer la présentation, Marc Oberlis, directeur des professions médicales et des personnels médicaux hospitaliers, s'efforce de rassurer l'auditoire : « Nous avons tenu à organiser cette réunion pour vous faire comprendre que nous ne voulons rien vous cacher. Le logiciel qui va vous être présenté constitue un énorme progrès par rapport à l'ancienne procédure de choix de spécialité qui consistait à insérer une carte magnétique dans une machine. » Les étudiants écoutent attentivement Peter Herget, responsable des concours médicaux, qui présente en quelques mots le programme informatique. « Notre logiciel s'inspire d'une application utilisée par les écoles d'ingénieurs, mais il est plus complet et aussi plus complexe car les étudiants en médecine peuvent sélectionner 11 disciplines dans 27 villes, ce qui représente 287 choix possibles. »
Les vœux des internes.
La simulation peut commencer. Le cobaye virtuel se prénomme Cendrine, classée 14e aux ECN. Début août, lors de sa première connexion sur le site - dont l'adresse sera communiquée ultérieurement à tous les étudiants - Cendrine saisit son identifiant et le mot de passe qui lui ont été remis lors des examens, le 14 juin. Elle vérifie qu'aucun élément de son état-civil n'est erroné puis saisit ses choix. « Il est recommandé de formuler un minimum de quinze vœux pour être assuré d'obtenir satisfaction », indique Peter Herget. En quelques clics, Cendrine colore les cases gynécologie-obstétrique à Paris, pédiatrie à Angers, médecine générale à Caen, et quelques autres... Elle classe ensuite ses choix en fonction de ses préférences. A tout moment, elle pourra ajouter, modifier ou supprimer des vœux. Après cette première phase de saisie, elle demandera une simulation d'affectation. « Toutes les nuits, le site sera fermé quelques heures pour permettre la mise à jour de la simulation des affectations de tous les étudiants. Le logiciel tient compte des vœux de l'étudiant et de tous ceux qui sont mieux classés que lui », précise Peter Herget. Un étudiant le coupe : « Si tout le monde peut changer ses vœux jusqu'au dernier moment, à quoi sert la simulation ? Il suffit que quelques candidats bien classés changent de vœux au dernier moment pour bouleverser les affectations de tous les suivants. C'est un peu la loterie ! » La salle s'agite. « Je n'imagine pas que quelqu'un puisse s'amuser à polluer le système », répond Peter Herget. « Vous vous trompez ! Tout le monde va rester connecté jusqu'à la dernière minute pour essayer d'obtenir le poste qu'il veut », objecte un autre.
Un choix pour la vie.
La présentation est interrompue quelques minutes. Le responsable des concours médicaux écoute les doléances et les propositions des étudiants. « Pourquoi ne pas réserver des créneaux horaires aux étudiants par tranches de 100 ou 200 ? », demande l'un d'eux. Hypothèse déjà envisagée mais rejetée. « Imaginez qu'un candidat ne puisse pas se connecter pour une raison quelconque, cela fausserait tout. Il n'y a pas de système parfait mais celui-ci est perfectible. » Une jeune fille, rouge de colère, se lève : « Ce n'est pas une année d'essai pour nous. Le choix que nous allons faire va déterminer les quarante prochaines années de notre exercice professionnel ! »
A 17 h 30, la présentation est interrompue définitivement. Les étudiants quittent la salle par petits groupes sans même connaître l'affectation de Cendrine. Contrairement à ses camarades, Benjamin, étudiant en sixième année à Bichat, ne semble pas le moins du monde inquiet : « Le système offre une vue maximale des postes que les candidats ne pourront pas avoir et je pense qu'une minorité d'étudiants s'amuseront à changer de vœux à la dernière minute. » Après près de trois heures de débat, Peter Herget peut respirer : « Les discussions ont été tendues mais intéressantes. Nous tiendrons compte des remarques pratiques des étudiants. Par contre, je n'ai pas de solution pour empêcher les petits malins de perturber le système. » Amandine Brunon, présidente de l'Anemf, ne cache pas son amertume : « Depuis sept mois, on sait que la procédure informatisée ne permet pas un choix éclairé de la spécialité. A un mois des épreuves, des étudiants ont perdu un après-midi de révision. » A 18 h, les quarante étudiants ont quitté le ministère, déçus. « Que vais-je bien pouvoir raconter à mes copains ? », demande l'un d'eux.
L'amphithéâtre de garnison.
Les insuffisances révélées à l'occasion de cette simulation ont incité, quelques semaines plus tard, les ministères de la Santé et de l'Education nationale à modifier leur projet initial et à mettre en place le fameux amphithéâtre de garnison. La faculté de médecine de Lille devrait être choisie pour l'accueillir.
« Nous sommes aujourd'hui en bonne voie », assure Amandine Brunon. Dans un dossier transmis aux ministères, l'Anemf a présenté l'amphithéâtre de garnison comme la « seule procédure envisageable car elle permet réellement le choix éclairé des étudiants, ceux-ci disposant de tous les éléments nécessaires pour réaliser leur choix ». La procédure informatisée devrait être conservée pour permettre aux étudiants d'effectuer un préchoix et leur donner une visibilité accrue des postes auxquels ils pourraient accéder lors de l'amphithéâtre de garnison. L'Anemf a déjà songé à l'organisation pratique de cette procédure, fin septembre, dans deux amphithéâtres de 150 places chacun. Elle estime à une minute trente le temps moyen nécessaire pour que chacun des 3 988 étudiants remplisse la formalité.
Le calendrier
- Les épreuves classantes nationales se déroulent simultanément les 14 et 15 juin dans les centres de sept interrégions (Paris, Strasbourg, Lille, Nantes, Lyon, Marseille et Bordeaux).
- Le séminaire de correction, organisé à Paris, doit durer trois semaines, du 21 juin au 9 juillet.
- La liste des candidats classés par ordre de mérite sera publiée au « Bulletin officiel » du ministère de la Santé et les notes communiquées aux étudiants fin juillet.
- La procédure de choix informatisée débutera en août et sera définitivement bouclée après la validation du deuxième cycle, prévue le 15 septembre. Si l'amphithéâtre de garnison est retenu par les ministères de la Santé et de l'Education nationale, il se déroulera après le 15 septembre.
- Au début d'octobre, les étudiants devraient connaître leur affectation. Ils auront alors un mois pour trouver un logement avant le début du troisième cycle de leurs études, en novembre.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature