SOLIDAIRES DEPUIS plusieurs mois, chirurgiens, anesthésistes et gynécologues-obstétriciens ont décidé de donner un nouveau souffle à leur mouvement de contestation, « la France sans blocs opératoires », qui agite les cliniques privées depuis le 24 juillet dernier. Sans réponse concrète à leurs revendications tarifaires et confrontés à l’inexorable croissance de leurs primes de responsabilité civile professionnelle (« le Quotidien » du 24 août), l’Union des chirurgiens de France (Ucdf), le Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (Syngof) et l’Association des anesthésistes libéraux (AAL) ont appelé leurs adhérents de secteur I à demander des dépassements d’honoraires à leurs patients. «A partir du 1erseptembre et jusqu’à ce que les accords du 24août 2004 soient respectés, tous les praticiens de secteurI demanderont des compléments d’honoraires au niveau de la revalorisation promise dans ces accords, soit 25%, a annoncé le Dr Philippe Cuq, président de l’Ucdf. Nous expliquerons avec pédagogie à nos patients les motifs de ces dépassements. Ceux-ci ne concerneront pas les patients bénéficiant de la couverture maladie universelle (CMU) ou qui viennent consulter en urgence.»
Les trois syndicats se disent exaspérés par le silence de l’assurance-maladie – le problème des chirurgiens n’a pas été mis à l’ordre du jour de la dernière réunion conventionnelle. Ils déplorent également le retard de la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et du Pr Henri Giudicelli, membre du Conseil national de chirurgie, sur l’application de l’accord chirurgie de 2004, qui devait rendre au ministre de la Santé un prérapport le 23 août.
« Rien n’a avancé ».
Face à ce constat d’échec, l’Ucdf, le Syngof et l’AAL ont affiché la volonté de relancer leur mouvement de contestation qui a pourtant semblé s’essouffler en août (1). Les trois syndicats ont décidé de solliciter conjointement «l’arbitrage et l’autorité» du président de la République. Ils lanceront une opération de recueil de lettres de déconventionnement de praticiens de secteur I, qu’ils n’enverront pas dans l’immédiat à l’assurance-maladie. Chirurgiens, gynécologues et anesthésistes veulent aussi intervenir auprès des jeunes chefs de clinique assistants afin de leur faire abandonner l’idée de s’installer en secteur I. Enfin, le Syngof a annoncé que le préavis d’arrêt brutal d’activité dans les maternités privées, lancé en juillet, allait continuer à courir jusqu’au 15 novembre prochain, date butoir fixée par le ministre de la Santé aux partenaires conventionnels pour régler le problème du secteur optionnel. «Nous n’utiliserons ce recours que si nous avons épuisé tous les autres, explique le Dr Guy-Marie Cousin, président du Syngof. Bien évidemment, on ne va pas laisser des accouchements sans soins, mais transférer vers les établissements publics ce qui pourra être fait en sécurité.» En marge de ce mouvement, le Syndicat national des chirurgiens orthopédistes et traumatologiques (Snco) regrette que l’Igas n’ait pas remis à temps le prérapport diligenté par Xavier Bertrand et demande que la revalorisation de 25 % des actes chirurgicaux, prévue par les accords d’août 2004, «s’exerce sur les interventions chirurgicales les plus couramment pratiquées pour être représentative».
Malgré les multiples rencontres qui se sont tenues cet été entre les représentants des chirurgiens, les gynécologues, les anesthésistes, l’assurance-maladie et le ministère de la Santé, la situation ne semble pas près de trouver une issue favorable. Bien au contraire, puisque l’initiative des syndicats a jeté de l’huile sur le feu. Xavier Bertrand a immédiatement condamné le mot d’ordre lancé par l’Ucdf, le Syngof et l’AAL, constatant que cet appel intervient alors que la mission confiée à l’Igas et au Pr Guidicelli doit rendre ses conclusions définitives le 10 septembre. Le ministre de la Santé a demandé au directeur de l’Uncam d’engager des actions de contrôle du respect des dispositions conventionnelles et aux caisses d’assurance-maladie d’informer les patients de leur droit de refuser de payer tout complément d’honoraire illégal ou de se faire rembourser un dépassement qui leur serait facturé dans ces conditions.
L’assurance-maladie a tenu à préciser que, dans le cadre de l’accord d’août 2004, «elle a réalisé d’importantes revalorisations qui font l’objet d’une expertise en cours». Le président de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam), Michel Régereau, a également fustigé l’action des trois syndicats sous le prétexte qu’elle remet en cause l’égal accès aux soins pour tous : «Alors qu’une grande part de leurs primes d’assurance vont être solvabilisées par la collectivité, on peut s’étonner que des professionnels proposent de faire supporter aux malades la charge financière de dépassements qui ne seront pas remboursés par l’assurance-maladie.» Le président de l’Uncam demande au ministre de la Santé de «rendre inapplicable aux professionnels de santé qui ne respectent pas les tarifs officiels les avantages payés par la Sécurité sociale, avantages sociaux et primes d’assurance».
(1) La Direction de l’hospitalisation (Dhos) ne recensait plus que 9 % de grévistes le 10 août, contre près de 30 % fin juillet.
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