LE QUOTIDIEN
D'où vient l'érythropoïétine ?
Dr NADIA ROSENCHER
L'érythropoïétine ou EPO est une hormone synthétisée à 90 % par le rein. Sa sécrétion est stimulée par une baisse de l'hématocrite et une diminution de la PaO2. La concentration d'EPO s'élève exponentiellement avec le degré d'anémie.
L'érythropoïétine recombinante humaine ou rh EPO est, quant à elle, une glycoprotéine analogue à l'EPO naturelle, dont la synthèse est effectuée par des cellules d'ovaires de hamster génétiquement reprogrammées. Son activité n'est pas distinguable de celle de l'hormone naturelle. Elle est administrée par voie sous-cutanée car cette modalité, pour une même dose de produit, est au moins aussi efficace que la voie intraveineuse.
Parmi les indications de la rh EPO actuellement validées par l'AMM, celle qui nous intéresse plus particulièrement est son utilisation en chirurgie orthopédique, dans le cadre ou non d'une transfusion autologue programmée (TAP), chez les patients dont l'hémoglobine se situe entre 10 et 13 g/dL.
Comment agit l'EPO ?
L'EPO augmente l'hématocrite préopératoire et autorise ainsi une perte plus importante de globules rouges avant que le seuil transfusionnel ne soit atteint. La transfusion dépend en effet de la perte sanguine totale liée à l'intervention, du seuil transfusionnel fixé (en fonction de l'état pathologique du patient) et de la masse érythrocytaire préopératoire du patient.
L'EPO a tout d'abord été étudiée en chirurgie orthopédique, en association à une TAP : qu'est-il ressorti des études ?
Toutes les études sur l'administration d'EPO dans le cadre d'un programme de TAP ont mis en évidence qu'elle augmente significativement le nombre de prélèvements possibles et la quantité de globules rouges prélevés, mais ne diminue pas toujours significativement le pourcentage de patients exposés à une transfusion homologue.
C'est en fait uniquement chez les patients dont la concentration initiale d'Hb est comprise entre 10 et 13 g/dL que la rh EPO diminue significativement le risque relatif d'exposition au sang homologue.
C'est ainsi qu'actuellement l'AMM de l'EPO associée à une TAP réserve cette indication aux patients dont le taux d'hémoglobine est compris entre 10 et 13 g/dL, exempts de carence martiale et pour lesquels il y a nécessité d'au moins 4 concentrés de globules rouges (CGR) chez la femme et 5 CGR chez l'homme. L'administration doit être réalisée à la dose de 40 000 UI x 2 par semaine, en prélevant un CGR de TAP à chaque injection si l'Hb le permet et en commençant trois semaines avant l'intervention.
Des études plus récentes concernent l'administration d'EPO en périchirurgie orthopédique, c'est-à-dire sans association à une TAP ; que montrent-elles ?
Quand on administre l'EPO en dehors d'un programme de TAP, le but recherché est une augmentation de l'Hb avant l'intervention.
Dans ce contexte, les études réalisées montrent toutes que l'efficacité de l'EPO croît avec la durée du traitement, si bien qu'une dose totale deux fois moindre mais administrée sur quatre semaines est aussi efficace qu'une dose double seulement administrée sur les deux dernières semaines. Il faut donc commencer le traitement le plus tôt possible avant l'intervention.
Quelle AMM pour cette indication périopératoire ?
L'AMM de la rh EPO en périchirurgie concerne de la même manière les patients opérés en chirurgie orthopédique dont le taux d'hémoglobine est compris entre 10 et 13 g/dL et qui n'ont pas de carence martiale. La dose d'EPO est de 40 000 UI/semaine, en sous-cutanée, à J-21, J-14, J-7 et J-1, en commençant trois semaines avant l'intervention et sans dépasser 15 g/dL d'Hb. Il est par ailleurs nécessaire d'ajouter 200 mg/j de fer oral à cette prescription pour favoriser la fabrication des globules rouges.
Pour ce qui est des anémies postopératoires et des anémies du post partum, la rh EPO n'a pas actuellement d'AMM.
(*) Service d'anesthésie-réanimation, hôpital Cochin, Paris.
TAP et EPO : des indications différentes
Même si la TAP et l'EPO ont un but identique - créer un « stock » de globules rouges en préopératoire -, leurs indications sont différentes en pratique. En effet, la TAP séquentielle est inefficace si l'Hb est <13 g/dL, tandis que l'EPO n'est pas indiquée si l'Hb est >13 g/dL. Utilisées à bon escient, ces deux techniques ne s'adressent pas aux mêmes patients. Elles peuvent, en revanche, se compléter quand les besoins sont plus importants.
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