De notre correspondante
Etre « patient » en Grande-Bretagne relève du doux euphémisme ! Des délais d'attente records sont désormais enregistrés : il faut se languir parfois jusqu'à quinze mois avant de pouvoir bénéficier d'une pose de prothèse de hanche ou de genou.
Dans ses promesses électorales, Tony Blair s'était pourtant engagé à réduire ces délais d'attente. Sans grand résultat, jusqu'à présent.
Parmi les solutions proposées, le National Health Service (NHS), ministère de la Santé britannique, a étudié une offre de prise en charge des patients britanniques, formulée par 80 établissements médicaux européens. Parmi ces postulants, huit établissements dont trois français ont été retenus. C'est ainsi que la polyclinique de la Louvière, à Lille, a été pionnière en accueillant les premiers patients d'outre-Manche, il y tout juste un an. La clinique de Berck, dans le Pas-de-Calais, lui a emboîté le pas, et depuis peu, le centre hospitalier privé de la Loire (CHPL), à Saint-Etienne, s'est à son tour positionné sur ce marché. « Notre projet est parti de la directive européenne de 2001 autorisant les patients britanniques à se faire soigner à l'étranger », rappelle Jean-Loup Durousset, directeur du CHPL.
« Dans un premier temps, nous avons décidé d'envoyer régulièrement une équipe de chirurgiens pour assurer une partie des interventions d'orthopédie dans des établissements de la région de Bristol. » Ces spécialistes, une vingtaine au total, ont donc déjà effectué entre trois et quatre voyages, pour opérer le week-end, de manière à ne pas perturber le planning de leurs confrères britanniques. « En contrepartie, le NHS s'est engagé à financer des travaux pour augmenter la capacité des hôpitaux au sein desquels nos confrères anglais exercent », relate le Dr Pierre-Luc Frésard, chirurgien orthopédique au CHPL. Fortement impliqué dans ce projet, il estime d'ailleurs que ce type de réponse donnée au niveau européen pourrait être étendu à d'autres pays, pour d'autres problèmes de santé rencontrés par les Etats membre de l'UE.
Pont sanitaire
Dans un second temps, le CHPL a proposé d'affréter un avion sanitaire entre Bristol et Saint-Etienne pour acheminer les patients relevant d'une chirurgie orthopédique. Avant de s'engager, le NHS a exigé quelques garanties : « Nous avions déjà obtenu l'accréditation française, mais il a quand même fallu se soumettre à cinq audits, pour obtenir celle du NHS », poursuit Jean-Loup Durousset. Une fois que le feu vert a été obtenu et l'accord signé, une quinzaine de patients, dans un premier temps, ont pu être hospitalisés au CHPL le 19 janvier. Une série de mesures ont été prises pour rendre le plus agréable possible, compte tenu des circonstances, l'accueil de ces nouveaux patients : trois infirmières bilingues et deux traducteurs ont été engagés, une kinésithérapeute libérale parlant anglais a été expressément sollicitée, des abonnements aux journaux et chaînes de télévision outre-Manche ont été contractés, etc.
Ces patients, en attente de prothèses de hanche et de genou, ont été opérés entre le 20 et le 21 janvier et regagneront leur pays à l'issue d'une rééducation fonctionnelle de quinze jours. Pour le paiement, le NHS s'est engagé à prendre en charge les frais dans leur intégralité : « Nous avons défini ensemble un coût de prestation global qui s'échelonne entre 8 000 et 12 000 euros, selon le patient et la pathologie », détaille le directeur du CHPL. Un coût qui, selon le Dr Frésard, ne serait pas supérieur à celui d'une prestation identique dans une clinique privée anglaise.
Dans l'avenir, le ballet de chirurgiens entre Saint-Etienne et Bristol devrait s'intensifier, et « si tout va bien », ajoute Jean-Loup Durousset, « nous conclurons un nouvel accord pour trois ans et nous l'étendrons peut-être à la chirurgie digestive et urologique ». Pour les quatre établissements que compte le CHPL, ce nouvel afflux de patients à moyen terme ne devrait pas poser de problèmes, d'autant qu'une nouvelle structure du groupe, d'une capacité de 300 lits, devrait ouvrir ses portes à Saint-Etienne en novembre 2004, et s'imposer comme la plus grosse clinique privée de Rhône-Alpes. En bon gestionnaire, soucieux de faciliter le dialogue avec ses interlocuteurs britanniques, le CHPL a par ailleurs créé une société en Grande-Bretagne, Dolucas Médical (DML), chargée de le représenter et de négocier avec le NHS. Quant aux difficultés de recrutement des chirurgiens, dont il est sans cesse question partout ailleurs, elles représentent le dernier des soucis de Jean-Loup Durousset. Au contraire, dans son groupement de cliniques privées, dont le financement repose sur l'actionnariat médical, les chirurgiens sont loin de venir à contre-cur : « Il existe une très forte motivation autour du projet. » Comme le confirme à son tour Pierre-Luc Frésard : « Nous n'avons pas d'équipes pléthoriques », conclut-il, « mais nous prenons sur nos week-ends, au détriment de la vie familiale. »
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