L ES responsables de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) ont organisé, au ministère de l'Economie et des Finances, une session d'information sur la chirurgie esthétique. Il s'agissait notamment de commenter les résultats de l'enquête effectuée auprès des praticiens sur les devis qu'ils présentent à leurs patients. Peut-être la DGCCRF ne s'attendait-elle pas à ce que cette réunion accorde une place prépondérante au problème de l'obligation de résultat.
Ce fut pourtant l'enseignement essentiel que l'on pouvait retirer de cette rencontre entre fonctionnaires de la DGCCRF, médecins, consommateurs et journalistes. Lancé par le Dr Pierre Nahon, chirurgien plastique et auteur d'ouvrages consacrés à cette discipline, le débat a surtout permis de constater que l'Ordre des médecins avait sensiblement changé de discours. Ce qu'a reconnu sans ambages son représentant, le Dr Jean Langlois, président de la commission santé publique au sein du Conseil national. « Les pensées évoluent, a-t-il expliqué. Si l'on veut que la chirurgie esthétique soit vraiment respectée et reconnue, il faut que le résultat d'une intervention corresponde à ce que le chirurgien a présenté au préalable à son (ou à sa) patient(e.) »
La crainte des procès
Est-ce à dire que l'aléa thérapeutique n'existerait pas en chirurgie ? « Non pas, assure aussitôt le Dr Langlois. Mais si on ne peut pas toujours exiger d'un chirurgien qui opère un cancer du côlon qu'il parvienne à guérir définitivement son patient, on peut demander à un chirurgien plasticien qui a promis à sa patiente de lui enlever la bosse qu'elle a sur le nez, de tenir vraiment son engagement ; les deux actes ne sont pas comparables. »
Des propos qui réjouissent le Dr Nahon, lequel lutte depuis des années pour que cette obligation de résultat soit vraiment reconnue. « Le chirurgien doit être sanctionné s'il ne tient pas son challenge. S'il ne se sent pas capable de le réussir, il doit refuser de faire l'intervention. Mais s'il opère, il doit être assujetti à une obligation de résultat. ».
La profession de foi du Dr Nahon laisse cependant quelque peu dubitatifs les consommateurs, telle cette juriste de l'Union féminine civique et sociale (UFCS), qui estime que l'on ne peut quand même pas demander à chaque médecin de réussir à 100 % toutes ses interventions et de tenir absolument tous ses engagements. « Il peut y avoir des impondérables », dit-elle.
Intervention qui ne peut que satisfaire les représentants du Syndicat national de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique (SNCPRE). « S'il faut exiger compétence et responsabilité de tous les chirurgiens plasticiens, précise son secrétaire général, le Dr Yves Hepner, on ne peut ignorer l'aléa thérapeutique qui survient lors d'une intervention. » Et surtout, le Dr Hepner craint la multiplication des procès qui auraient lieu après un premier jugement condamnant un chirurgien pour non-respect d'obligation de résultat, jugement qui ferait jurisprudence. Et qui dit multiplication des procès dit aussi, poursuit-il, forte augmentation des primes d'assurance, et aussi moins d'interventions.
Le Dr Hepner met en avant les hésitations, pour ne pas dire plus, de certains gynécologues et autres spécialistes, à pratiquer des échographies de grossesse, après l'arrêt Perruche. De la même façon, estime-t-il, les chirurgiens plasticiens pourraient hésiter à faire certaines interventions. La comparaison peut cependant paraître osée. En tout état de cause, on n'en est pas encore à cette extrémité. Mais, d'ores et déjà, le syndicat est favorable à la réunion d'une table ronde de médecins, de l'Ordre, des consommateurs, des juristes et les pouvoirs publics, pour se pencher sur le problème.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature