« Malgré tous les perfectionnements techniques pré- et postopératoires, malgré le supplément de précision apporté par les moyens de contraste à la connaissance des causes, et par suite aux indications opératoires, il ressort de l'étude des travaux publiés, comme de notre expérience personnelle, qu'une forte proportion de lombalgiques chroniques opérés continuent à souffrir, et conservent leur incapacité fonctionnelle : en bref, que le but escompté par le malade, et parfois imprudemment promis par le médecin, n'est pas atteint. »
Ces commentaires, publiés en 1973 par de Sèze et Kahn, et cités par le Pr Deburge, ne semblent guère avoir perdu de leur actualité trente ans plus tard, tant les résultats de la chirurgie sont rarement à la hauteur des attentes en matière de lombalgie.
Analyser le contexte
Il faut en premier lieu rappeller que les causes de la douleur ne sont pas exclusivement anatomiques. Face à un lombalgique, il convient donc toujours d'analyser le contexte psychologique par un interrogatoire méticuleux, portant sur la douleur elle-même, mais aussi sur la vie professionnelle et familiale. Le chirurgien doit savoir écarter les lombalgiques dont les problèmes psychologiques sont prédominants.
En ce qui concerne les causes anatomiques, on distingue la dégénérescence discale, l'arthrose interapophysaire, souvent associées l'une à l'autre, enfin, l'instabilité.
La dégénérescence discale n'est diagnostiquée sur les radios qu'en cas de pincement, ou de signes d'arthrose. En l'absence de tels signes, il est peu utile de se tourner vers le scanner. Reste donc l'IRM, qui permet d'évaluer l'hydratation du disque, et donc, sa dégénérescence. Différents travaux comparant l'IRM à « l'ancienne » discographie ont toutefois montré que l'IRM pouvait donner des résultats faussement rassurants. Quoique douloureuse, la discographie pourrait donc effectuer un retour parmi les examens diagnostiques.
Quant à l'instabilité, des clichés dynamiques aux tentatives de sédation de la douleur sous corset, il n'existe aucune méthode permettant de poser un diagnostic avec certitude. L'instabilité reste d'ailleurs elle-même une notion mal définie, dont les critères sont très variables dans la littérature.
L'indication chirurgicale doit être posée non seulement en fonction des résultats des examens, avec leurs limites, mais aussi par rapport au contexte, en particulier professionnel. Chez un travailleur de force, il n'est pas raisonnable d'opérer dans l'espoir de permettre une reprise du même poste. Certains patients pourront effectivement reprendre leur activité, mais il s'agit d'une petite minorité. A cet égard, les résultats des travaux prenant en compte la reprise du travail, sont considérés par le Pr Deburge comme « irréalistes ».
Par ailleurs, chez un travailleur de force, il ne paraît légitime d'intervenir que lorsque la douleur persiste dans tous les mouvements de la vie quotidienne, malgré un arrêt de travail, le repos et le port d'un corset. Une éventuelle surcharge pondérale doit également être corrigée. Enfin, le recours à la chirurgie est proscrit chez l'accidenté du travail, le résultat étant constamment médiocre.
Si malgré tout, l'indication chirurgicale est posée, il reste encore la question de la technique. La rhizolyse, c'est-à-dire la coagulation des nerfs innervant les articulations interapophysaires, donne des résultats décevants. Les rares bons résultats sont par ailleurs transitoires. Selon le Pr Deburge, la technique, aujourd'hui abandonnée par ses promoteurs, n'a plus aucune indication.
L'alternative à l'arthrodèse
Les méthodes percutanées, chimionucléolyse ou nucléotomie, ne se justifient que s'il existe une véritable hernie discale - et non une simple dégénérescence discale -, ce qui est exceptionnel chez les lombalgiques. Et même dans ces conditions, le taux de succès ne dépasse pas 50 %, avec un recul de quelques années. En outre, le risque septique n'est nullement négligeable.
La ligamentoplastie, elle, a été introduite comme alternative à l'arthrodèse sur la base d'un raisonnement théorique : l'arthrodèse et le blocage rigide d'un segment rachidien entraînent des contraintes plus importantes dans la partie sus-jacente du rachis, favorisant ainsi une dégénérescence accélérée et une instabilité. Selon le Pr Deburge, le raisonnement pêche sur un point fondamental : lorsque l'indication d'intervention est posée, le segment rachidien concerné n'a déjà plus qu'une mobilité réduite, que ne rétablit pas la ligamentoplastie. Ainsi, quelle que soit l'intervention, la partie sus-jacente du rachis est exposée à un risque accru de dégénérescence. La prothèse discale serait le meilleur moyen de rétablir la mobilité du rachis. Malheureusement, avec l'unique modèle commercialisé, l'expérience clinique est encore modeste, et l'on manque du recul nécessaire pour être certain que la prothèse ne s'use pas prématurément, et qu'elle protège effectivement le segment sus-jacent.
L'autogreffe est obligatoire
Reste donc l'arthrodèse, solution « éprouvée et raisonnable, pratiquée aujourd'hui dans des conditions bien meilleures qu'il y a vingt ans ». Le recours aux greffons osseux de banque doit être proscrit, ces greffons se lysant quasiment constamment. L'autogreffe est donc obligatoire, éventuellement complétée de céramique. L'ostéosynthèse associée n'est indiquée qu'en cas d'instabilité. Une ostéosynthèse légère, par vissage translaminofacettaire, apparaît particulierement justifiée lorsque l'arthrodèse couvre plus d'un étage. Enfin, la rééducation ne peut être entreprise qu'après vérification de la fusion, soit quatre mois environ après l'intervention.
Pour le Pr Deburge, la place de la chirurgie dans la prise en charge du patient lombalgique, s'inscrit à l'intérieur de ces limites. Il ne faut pas en attendre de miracle. Mais si « la chirurgie permet de supprimer les douleurs de la vie quotidienne, même si elle ne permet pas de reprendre le travail antérieur, c'est un résultat très appréciable, qui justifie l'indication ». Quant à la pertinence de celle-ci, « l'absence de critère indiscutable laisse une part importante à l'expérience et au bon sens du chirurgien ».
D'après une communication du Pr Deburge (hôpital Beaujon).
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