Comment diminuer le volume des transfusions sanguines accompagnant la chirurgie cardiaque ? Telle est la question que se sont posés les experts britanniques après avoir constaté que la chirurgie cardiaque représentait 10 % des 2,2 millions d'unités transfusées chaque année. Jusqu'à 92 % des opérés du cur britanniques reçoivent effectivement du sang allogénique qui les exposent (encore) au risque de contamination par les virus des hépatites B et C, par le VIH et le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, malgré l'utilisation systématique de sang déleucocyté (qui a quadruplé le coût des transfusions).Plusieurs méthodes mécaniques de limitation des pertes sanguines existent néanmoins mais elles n'ont jamais été évaluées en termes d'efficacité, ni utilisées en combinaison.
Rincer les tubulures
L'étude publiée dans le « British Medical Journal » par une équipe de Southampton a, pour la première fois, comparé les besoins sanguins postopératoires en fonction du recours (ou pas) à des procédés de préservation sanguine.
La première technique évaluée dans l'essai consiste à rincer le sang séquestré dans les tubulures de la CEC et à le centrifuger pour obtenir une bonne hémoconcentration avant de le réinjecter au patient (récupération cellulaire peropératoire). Dans un second bras de l'essai, les investigateurs ont combiné la « récupération cellulaire » peropératoire à « l'hémodilution normovolémique » péri-opératoire. Avec cette technique, du sang est prélevé d'un cathéter central avant l'intervention puis réinjecté en fin d'intervention après adjonction d'une macromolécule (gélatine modifiée) pour obtenir une expansion volémique. Un troisième groupe de patients, pour lequel la technique standard de CEC (sans préservation sanguine) était appliquée, constituait le groupe témoin.
Au total, 263 candidats au pontage coronarien, âgés de 18 à 80 ans, ont été inclus et randomisés dans les trois bras de l'étude. La répartition par tranche d'âge, sexe, poids, fonction ventriculaire, score de gravité était identique dans les trois bras. L'objectif primaire de l'étude a comparé le nombre d'unités de produits sanguins nécessaires en postopératoire, les investigateurs ayant pris pour seuil de transfusion le chiffre de 9 g/dl d'hémoglobine et 0,27 d'hématocrite. Le clinicien assurant la prise en charge postopératoire n'avait pas connaissance de la technique utilisée durant l'intervention.
Réduire les transfusions
La technique de « récupération cellulaire » a permis de réduire significativement le nombre de transfusions (26 contre 48 chez les témoins) et les quantités nécessaires (0,68 unité contre 1,07). Le groupe sous traitement combiné (avec hémodilution) n'a pas montré de bénéfice supplémentaire.
Ces résultats sont contradictoires avec ceux d'une métaanalyse récente qui n'a pas retenu la technique de « récupération cellulaire » pour la chirurgie cardiaque. « Mais, expliquent les investigateurs, les autres essais ne "rinçaient" pas totalement le système de CEC et la technique n'était utilisée qu'en postopératoire. » L'absence d'économie sanguine surajoutée par la technique « d'hémodilution » peut résulter d'une quantité insuffisante de sang prélevé en début d'intervention (quantité limitée par la coronaropathie du patient).
D'autre techniques existent pour éviter les transfusions. Aux Etats-Unis, les injections d'érythropoïétine et les prélèvements de sang autologues préopératoires sont couramment pratiqués à condition de connaître la date d'intervention. Les techniques péri- et peropératoires sont séduisantes pour la chirurgie cardiaque et orthopédique. Il est également possible, comme cela est fréquemment pratiqué en France, d'abaisser le seuil de transfusion à 8 g/dl et de réduire la longueur des tubulures de l'appareil de CEC, d'où une moindre séquestration sanguine.
Neil McGill et coll., « British Medical journal », 1er juin 2002, vol. 324.
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