De notre correspondante
à New York
Tout patient qui subit une intervention chirurgicale majeure sur l'abdomen présente un iléus paralytique postopératoire. Cet arrêt temporaire du transit gastro-intestinal exacerbe les nausées et les vomissements, mais, plus important encore, retarde la reprise de l'alimentation et prolonge souvent le séjour hospitalier.
Il n'y a actuellement pas de traitement pharmacologique qui permette de réduire l'iléus postopératoire. Il est principalement causé par la manipulation chirurgicale de l'intestin et la stimulation des récepteurs opioïdes par les opioïdes endogènes libérés lors du stress. Par surcroît, la morphine et les autres opioïdes thérapeutiques, fort efficaces pour soulager la douleur et par conséquent largement utilisés après la chirurgie abdominale, activent eux aussi les récepteurs opioïdes du tube digestif prolongeant l'iléus.
Taguchi (Washington University, St Louis, MO) et coll. ont tenté de savoir si l'ADL 8-2698 (Adolor, Exton, PA) peut réduire l'iléus après une intervention chirurgicale majeure sur l'abdomen. Cet agent expérimental est un puissant antagoniste des récepteurs opioïdes. Il est administré par voie orale, mais son absorption digestive est très limitée et il ne passe pas bien la barrière hémato-encéphalique.
Sans neutraliser les effets analgésiques
Des essais cliniques conduits chez des volontaires et des patients de chirurgie dentaire ont montré que l'ADL 8-2698 bloque l'inhibition du transit intestinal par les opiacés, sans neutraliser les effets analgésiques des opiacés.
Taguchi et coll. ont conduit une étude randomisée contre placebo, en double insu, chez 78 patients subissant une hystérectomie totale abdominale (n = 63) ou une colectomie subtotale (n = 15). Les patients ont reçu un comprimé de 1 mg ou de 6 mg d'ADL 8-2698 ou un comprimé d'un placebo, deux heures avant l'opération, puis deux fois par jour jusqu'à la première selle ou la sortie de l'hôpital. Les médecins ont analysé les résultats des 26 patients dans chacun des trois groupes. Tous avaient reçu des opiacés (morphine ou mespéridine) pour soulager la douleur postopératoire.
Résultat : les patients traités avec la plus grande dose d'ADL 8-2698 (6 mg) ont recouvré leur fonction gastro-intestinale plus rapidement que ceux sous placebo. Ainsi, leur première émission des gaz intestinaux est survenue en moyenne un jour plus tôt (au bout de 49 heures au lieu de 70 heures), et leur première selle a été émise un jour et demi plus tôt (au bout de 70 heures au lieu de 111 heures). Leur durée d'hospitalisation est aussi réduite d'une journée (68 heures au lieu de 91 heures).
Moins de nausées et de vomissements
L'étude confirme que l'ADL 8-2698 n'inhibe pas l'analgésie : les patients n'utilisent pas une dose plus forte d'opiacés antalgiques et ne signalent pas une douleur plus importante. De plus, les patients traités par 6 mg d'ADL 8-2698 ont présenté moins de nausées et de vomissements.
« Taguchi et coll. ont démontré la possibilité d'inhiber sélectivement un effet périphérique indésirable des opiacés (l'inhibition de la motricité gastro-intestinale) tout en préservant l'effet central souhaité (le soulagement de la douleur) », observe dans un éditorial le Dr Steinbrook (Boston, Massachusetts). « Une réduction d'un jour du séjour hospitalier après la chirurgie abdominale offrirait des avantages cliniques et économiques importants. » Il souligne toutefois certaines limites de l'étude, notamment le fait qu'elle porte en majorité sur des patients qui ont subi une hystérectomie par voie abdominale. Il reste à savoir quelle est l'efficacité chez des patients subissant d'autres interventions chirurgicales intra-abdominales. De plus, les patients dans l'étude n'ont pas reçu d'analgésie péridurale. Il reste à établir si l'association d'ADL 8-2698 et d'analgésie péridurale est sûre ou bénéfique.
« New England Journal of Medicine », 27 septembre 2001, pp. 935 et 988.
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