DANS LA SOMME des commentaires qui ont suivi la prestation télévisée du chef de l’Etat, l’information a été sous-estimée. On s’est plus attaché à critiquer l’optimisme apparent du président qu’on n’a tiré les conséquences du maintien de M. de Villepin à la tête du gouvernement. Or il était exclu que le président se présentât aux téléspectateurs pour reconnaître que son quinquennat se termine en quenouille. Dans un jugement, toutes les nuances sont possibles ; Chirac trouve le verre plein aux trois quarts quand il est à peu près vide. Mais il n’allait sûrement pas sangloter sur la déroute de ses projets. Et, s’il en a rajouté, c’est aussi pour recouvrir la voix des catastrophistes professionnels qui n’en finissent pas de nous démoraliser en nous décrivant un pays « en déclin ». Le président de la République a fait de la contre-propagande, et il s’en est bien tiré. Il a même réservé la monnaie de leur pièce à ceux qui l’avaient – logiquement – situé en dehors de la course présidentielle de 2007, allant même jusqu’à fixer une échéance relativement lointaine et vague : il prendra sa décision sur son éventuelle candidature «dans le courant du premier trimestre» de l’année prochaine, soit au tout dernier moment.
UN HOMME QUI NE LAISSE PAS LA CONJONCTURE FIXER SON DESTINM. Chirac est-il crédible ? A-t-il mesuré son impopularité actuelle ? C’est un homme qui a traversé assez de déserts pour ne pas laisser la conjoncture fixer son destin. Il a le temps, semble-t-il penser, d’améliorer sa cote dans les sondages, d’autant qu’il a remis Villepin au travail et que, naguère, Sarkozy jurait qu’il ne serait pas candidat si Chirac l’était. Voilà dix mois qui vont être riches en rebondissements. Le président envoie aussi un message à la majorité qui doit cesser de réclamer le départ du Premier ministre et faire avec lui.
Il a donc fixé les règles du jeu pour les dix-onze mois à venir : les députés doivent travailler avec le Premier ministre (auquel, au passage, il demande de se garder de tout nouvel esclandre). M. de Villepin doit poursuivre les réformes sans perdre de temps et continuer à se battre sur le front de l’emploi, où il a obtenu des résultats.
M. Chirac n’est nullement attristé par le duel Villepin-Sarkozy, où il ne voit que saine émulation, alors que l’affaire Clearstream risque un jour d’emporter les institutions. Il est vrai que le président a absous un peu vite le Premier ministre, mais, de cette manière, il s’absolvait lui-même et répondait à tous ceux qui exigeaient qu’il intervînt sans attendre. Dans leur esprit, il s’agissait de démettre Dominique de Villepin et de nommer un nouveau Premier ministre. M. Chirac a préféré une continuité qu’il présente un peu comme la traduction de sa sérénité personnelle, face à «l’ébullition politique et médiatique» liée aux échéances électorales. Ce n’était pas une mauvaise façon de rappeler qu’il est encore le chef de l’Etat, ni de faire la leçon à une chorale tonitruante, qui se spécialise dans une vocifération propre à démontrer que ce régime-là doit être abattu. Nul doute que les Français auront été sensibles à un discours qui remet, quelles que soient par ailleurs les immenses faiblesses du pouvoir, un peu d’ordre.
Une opposition déchaînée.
Bien entendu, il se peut que le président prenne ses désirs pour des réalités ; il sait bien que Dominique de Villepin est imprévisible et que, comme les joueurs qui ont tout perdu, il prendra, pour se refaire, le risque d’un banco qui achèvera sa faillite. Il ne sait pas de quelles embûches est semé le chemin qui conduit au printemps électoral de l’an prochain. Il ne peut ignorer les coups de boutoir d’une opposition déchaînée, alors que sont ouverts de lourds contentieux comme l’affaire Clearstream, qui pourrait finir par l’éclabousser.
Et enfin, il y a une vérité dans les critiques qui lui sont adressées : la perception qu’il a de l’état du pays, ou qu’il feint d’avoir, n’a aucun rapport avec la perception qu’en ont les Français, l’opposition et même la majorité.
Le bilan de son quinquennat n’est pas bon, non pas parce que Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin n’ont pas courageusement lancé des réformes indispensables, mais parce qu’ils ont commis des maladresses et, surtout, parce que le message réformiste n’est jamais passé. Il s’est produit entre la nation et son chef un fossé sans précédent. A moins d’un an des élections, le président de la République ne peut pas oublier qu’il a perdu les élections régionales, les élections européennes, le référendum sur le traité constitutionnel européen ; il n’ignore pas qu’il n’est plus en phase avec une bonne partie du peuple français, la gauche bien sûr, mais aussi les jeunes ; il ne peut pas effacer le soulèvement déclenché par le CPE, ni la mise à sac des quartiers pauvres par ceux qui y vivent. Son bilan est évidemment négatif, même s’il se raccroche à une victoire sur l’insécurité, qu’il crédite à M. Sarkozy, mais qui n’est pas aussi claire qu’il le dit ; et, même si le taux de chômage diminue, rien n’explique que, depuis onze ans qu’il est président, le taux de croissance de la France soit d’un point à un point et demi inférieur à des pays, d’Europe ou d’ailleurs, comparables au nôtre. Rien, sinon une incapacité du pouvoir qu’il incarne à arracher le pays à ses blocages.
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