RIEN NE VA PLUS entre Ariel Sharon et Jacques Chirac, au point que le chef de l'Etat ne souhaite pas qu'ait lieu la visite prévue du chef du gouvernement israélien tant qu'il n'aura pas eu des « explications » sur son algarade. M. Sharon s'est certainement rendu compte qu'il avait commis une erreur, sinon il n'aurait pas tenté de minimiser ses propos.
Non seulement la classe politique, tous partis confondus, et la presse française ont vivement critiqué les propos de M. Sharon, mais les représentants divers de la communauté juive ne se sont pas privés de formuler des commentaires irrités sur l'appel qu'il leur a lancé.
Des sujets français.
C'est sûrement le point le plus important. Les Français de confession juive ne sont pas des sujets israéliens et le gouvernement israélien ne peut en aucun cas leur dicter leur conduite. On remarquera à ce sujet que, contrairement à ce qu'affirme Rony Brauman, contempteur systématique d'Israël et des institutions juives françaises, les juifs de France ne sont nullement inféodés au gouvernement israélien, celui-ci ou un autre, et qu'il leur arrive même de se dresser contre lui. Cette réaction est salutaire : elle tue dans l'œuf le soupçon de double allégeance ; elle démontre qu'aux yeux des Français juifs le combat contre l'antisémitisme n'est pas dans la fuite vers Israël, mais ici et maintenant ; enfin, tous les chiffres indiquent que l'attachement bien naturel des Français juifs à Israël ne se traduit pas par un exode vers l'Etat hébreu. Pour une raison simple : ils sont d'abord français et vivraient leur départ comme un exil. L'émigration implique une très contraignante adaptation sociale, économique, et surtout culturelle. La plupart des Français juifs se battront le dos au mur contre l'antisémitisme plutôt que de s'arracher à leurs racines françaises.
Le gouvernement français, pour sa part, ne peut pas admettre que l'existence en France d'un néoantisémitisme d'un type d'ailleurs très particulier conduise un gouvernement israélien à s'ingérer littéralement dans les affaires intérieures françaises. M. Sharon n'a aucune qualité pour défendre les Français de confession juive. D'ailleurs, ce n'est pas à lui qu'ils s'adressent quand croît leur inquiétude, mais à la République et à ses institutions. Lesquelles ont exprimé une sollicitude sans failles à leur égard. Quant aux quelque 2 500 Français qui, chaque année, émigrent vers Israël, c'est souvent pour des raisons religieuses ou idéologiques, bien rarement pour des raisons d'insécurité.
CE N'EST PAS EN FUYANT QUE LES FRANÇAIS JUIFS COMBATTRONT L'ANTISEMITISME
Le sort « indigne » d'Arafat.
Tout cela ne change rien au fond du problème. Les agressions antijuives, en augmentation, demeurent tout aussi « inacceptables » que les propos de M. Sharon, lequel n'aura rien fait pour encourager le gouvernement français à les combattre, même si la détermination de nos autorités demeure inébranlable.
Cependant, la « sortie » de M. Sharon est inséparable du contexte international. Notre ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, revient d'un voyage à Ramallah au cours duquel il a rencontré Yasser Arafat dont il a jugé « indigne » le sort qui lui est réservé par les Israéliens. Pour pouvoir rendre visite au président de l'Autorité palestinienne, M. Barnier a renoncé à être reçu par M. Sharon, qu'il est censé rencontrer à l'automne. Le Premier ministre israélien est très mécontent de l'importance que la France et l'Europe continuent à accorder à M. Arafat, alors même que son immobilisme politique et la corruption de son administration débouchent sur une révolte des Palestiniens contre l'Autorité.
Bien entendu, la France a le droit de choisir ses interlocuteurs, mais aussi bien elle ne peut jouer un rôle au Proche-Orient si elle n'entend pas le point de vue israélien ; elle a peut-être raison de maintenir en vie M. Arafat (à part lui, qui ?), mais elle ne peut nier qu'il est contesté par Israël, par les Etats-Unis, par bon nombre de pays arabes qui refusent de le dire publiquement et par une partie des Palestiniens eux-mêmes. La France ne peut pas davantage ignorer ce qui est désormais admis par tout le monde, à savoir que l'évacuation de Gaza par les Israéliens est un premier pas en direction de la paix et que ce premier pas, c'est M. Sharon, pas M. Arafat, qui l'a franchi.
La mauvaise humeur de Sharon.
Il n'est pas impossible qu'en s'attaquant sans beaucoup de diplomatie à la France M. Sharon ait laissé passer beaucoup de la mauvaise humeur qu'elle lui inspire. Car il ne peut pas compter sur la communauté juive française pour combler le déficit démographique. La seule démarche quantitativement (sinon politiquement) sérieuse consisterait à s'adresser aux six millions d'Américains juifs, prosionistes pour la plupart, plus religieux que les Français juifs, mais peu désireux de quitter le pays qui les a si bien accueillis.
En réalité, il n'existe aucun problème démographique en Israël si un Etat palestinien est créé à côté de l'Etat juif ; et c'est une des raisons (en dehors du souci de justice) pour lesquelles les territoires doivent être restitués aux Palestiniens. Encore faut-il que les Palestiniens renoncent à la violence. Ce qui n'est guère acquis.
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