Pour la cinquième fois, Jacques Chirac invite à déjeuner lundi une délégation du Centre national des professions de santé (CNPS). Elle sera composée de dix-sept personnes, dont les principaux dirigeants des syndicats de professionnels de santé libéraux. « C'est un déjeuner presque traditionnel : il a lieu tous les ans à des dates différentes », commente le Dr Jacques Reignault, président du CNPS.
Le dernier déjeuner des dirigeants du CNPS à l'Elysée avait eu lieu en février 2002, au moment des Assises nationales de cette organisation. Depuis que Jacques Chirac a été réélu, son intérêt pour le secteur de la santé n'a pas faibli, au contraire, d'autant qu'il a nommé à des postes clés des experts en la matière, tels Philippe Bas (secrétaire général de l'Elysée, qui fut conseiller de Simone Veil et de Jacques Barrot) et Frédéric Salat-Baroux (secrétaire général adjoint de l'Elysée et auparavant conseiller social).
En accord avec Marie-Claire Carrère-Gée, la conseillère technique du président sur les Affaires sociales, le Dr Reignault « souhaite plutôt un dialogue, en axant la discussion sur la réforme de l'assurance-maladie, les évolutions souhaitées par le président et les professionnels de santé ». Pour autant, le président du CNPS ne s'attend pas que le chef de l'Etat entre dans les détails de cette réforme. Il s'agit surtout, pour le CNPS, de « démontrer (son) engagement pour sauver et moderniser le système de santé français ». Après le discours de Jacques Chirac au Congrès de la Mutualité française à Toulouse (en juin dernier) qui « a donné douze mois aux partenaires pour réussir la maîtrise médicalisée », le Dr Reignault va assurer au président que son organisation « prend le pari » afin « que chaque euro dépensé par la collectivité soit un euro bien dépensé ».
Les conseils du Dr Chassang
Le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et vice-président du CNPS, voit aussi dans ce déjeuner à l'Elysée « le lancement de la réforme de l'assurance-maladie », qui relève donc, note-t-il, « du plus haut niveau de l'Etat ». Il est grand temps, selon lui, car « les médecins en ont marre d'attendre les réformes, alors que le système est aujourd'hui moribond et inopérant ». Sur la réforme, le président de la première organisation syndicale de médecins libéraux compte rappeler à Jacques Chirac qu'il est « illusoire » de revoir le financement de l'assurance-maladie sans élaborer de « panier de soins », à l'instar de ce qui a été déjà ébauché pour la visite médicalement justifiée. Le contenu du panier de soins serait couvert par le régime obligatoire d'assurance-maladie, tandis que le reste concernerait les complémentaires. Le Dr Chassang souhaite aussi mettre l'accent sur plusieurs changements dans les règles de contractualisation entre les caisses et les médecins (« suppression des représentativités séparées généralistes-spécialistes, nécessité d'accords majoritaires, disparition des contrats individuels »).
De son côté, le Dr Pierre Costes, président de MG-France, aimerait bien demander au chef de l'Etat « comment faire une réforme de qualité si la réalité des soins de ville n'est pas reconnue ». Faisant référence aux récents rapports « borgnes, hémiplégiques » sur les responsabilités dans l'affaire de la canicule meurtrière, le Dr Costes trouve « inadmissible » que les médecins généralistes « non seulement n'aient pas été reconnus, mais cloués au pilori ».
Bernard Capdeville, qui préside la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), se montre également sceptique sur la réalisation de la réforme, mais pour une autre raison. Le pharmacien redoute que la réforme se fasse par le biais d'une « ordonnance comme en 1996, ce qui serait la pire des solutions ». Il « n'est pas sûr que toutes les composantes du système de soins soient prêtes à prendre leurs responsabilités », et sachent adapter « leur conception d'exercice et leur regard sur leur statut » en fonction de « la feuille de route » de la réforme qui est aujourd'hui « bornée du sommet » autour des principes suivants : maintien d'un système de solidarité et de l'égalité d'accès aux soins, rejet de la double dérive de l'étatisation et de la privatisation. Bernard Capdeville vise, sans les nommer, les professions « attachées au colloque singulier » qui considèrent que « le financement n'est pas leur souci ».
Enfin, le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), voudrait surtout attirer l'attention du président de la République sur « le problème majeur de santé publique » posé par trois professions médicales « particulièrement exposées », à savoir les chirurgiens, les gynécologues-obstétriciens et les anesthésistes-réanimateurs. Ces spécialités manquent de médecins en formation, sont peu attractives et présentent des charges assurantielles élevées, autant de caractéristiques évidemment liées entre elles. « Si le gouvernement ne prend pas conscience de ce problème, avertit le président du SML , on aura une catastrophe sanitaire dans quelques années. »
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