Faire des pronostics à quatre ans de distance est un exercice futile et périlleux. Mais qu'on parle déjà d'un troisième mandat pour Jacques Chirac est significatif du contexte politique.
Le chef de l'Etat, dont la « baraka » est impressionnante, a parfaitement le droit de se présenter une fois encore en 2007. Ce droit est contenu dans l'amendement constitutionnel qui a réduit de deux ans le mandat présidentiel. Raccourci à cinq ans, il autorise un président élu à se présenter autant de fois qu'il le désire, alors que l'ancien dispositif ne permettait que deux mandats de sept ans.
Une « indécence » toute relative
Aussi quand les socialistes dénoncent l'indécence des propos tenus à droite sur la candidature possible de M. Chirac, ils ne font que leur travail systématique d'opposants, mais ils ne convainquent personne, pas même leurs partisans : d'une part, c'est un gouvernement socialiste qui a voulu et obtenu le raccourcissement du mandat présidentiel, mesure qui s'est retournée en faveur de M. Chirac ; d'autre part, Danielle Mitterrand ne disait-elle pas jadis que si son mari avait pu se présenter une troisième fois, il aurait été réélu ? Ronald Reagan et Bill Clinton sont deux anciens présidents qui ont exprimé leurs regrets quand ils ont dû quitter la Maison-Blanche après deux mandats successifs : ils auraient souhaité que le renouvellement soit illimité.
Si M. Chirac devait se présenter de nouveau en 2007, ce serait d'abord pour des raisons négatives : il y a tant de prétendants à l'emploi, à droite ou à gauche, qu'il offrirait en quelque sorte aux Français le choix de la continuité et de la stabilité. Non seulement, il étoufferait quelques ambitions fort mal dissimulées, mais, en laissant la rumeur se propager, il conforte Jean-Pierre Raffarin dans le rôle de second « à vie », ce qui conduit le Premier ministre à répéter à plusieurs reprises qu'il n'a pas d'autre ambition que d'accomplir le travail pour lequel il a été désigné. Mais on ne reste pas non plus chef du gouvernement ad vitam æternam et il faut bien qu'il y ait, pour M. Raffarin, un avenir à la mesure de ce qu'il aura accompli.
Cependant, M. Chirac ne se présentera pas en 2007 s'il échoue dans la tâche qu'il s'est assignée. La rumeur du troisième mandat est liée à la popularité exceptionnelle du chef de l'Etat, réélu avec 85 % des voix et approuvé par les quatre cinquièmes de l'opinion française pour sa politique irakienne. Mais déjà, l'avantage qu'il a tiré de sa diplomatie antiaméricaine se réduit. Un succès de politique étrangère n'est jamais durable. En revanche, les Français l'attendent sur son programme de réformes. S'il les mène à bien sans avoir déclenché une révolte, il sera effectivement en bonne position. S'il recule sur ce front, il sera critiqué à droite, un peu moins à gauche.
Mais dans quatre ans, l'usure du pouvoir se fera sentir : dès lors que les réformes essentielles, retraites, éducation, santé, réforme de l'Etat n'auront pas été menées à bien, il est probable que la crise budgétaire atteindra son point culminant et que l'électorat exigera un changement. L'âge de M. Chirac n'entre pour rien dans les pronostics. Il est plus que probable qu'il sera en mesure, mentalement et physiquement, de gouverner jusqu'à 79 ans.
Du temps devant lui
On ira jusqu'à dire que le président de la République a du temps devant lui. Du point de vue économique et social, l'année 2003 sera plus que médiocre et personne ne peut dire avec certitude que 2004 sera un rendez-vous avec la croissance. Mais enfin, en supposant que les Américains ne déclenchent pas une nouvelle guerre, en admettant qu'ils auront enfin trouvé un début de solution au Proche-Orient l'année prochaine, en considérant que le SRAS aura été contenu et que le pétrole irakien coulera à flots, on peut imaginer un rebond de croissance au cours de deux années essentielles du mandat de M. Chirac : 2005 et 2006.
La conjoncture idéale serait la mise en uvre de réformes qui auront guéri la France d'un certain nombre de scléroses, une vive progression du PIB et une diminution du chômage. Ce tryptique, en tous points souhaitable pour l'ensemble de nos concitoyens, serait en même temps une invitation irrésistible lancée au président pour qu'il se présente à un troisième mandat. Mais on est là au niveau de la boule de cristal plus qu'à celui de l'analyse.
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