L E président de la République a incontestablement remporté une victoire juridique et politique avec l'annulation par la justice de la procédure relative aux marchés immobiliers de la ville de Paris.
Dans cette procédure, en effet, figurent les éléments de preuve les plus accablants pour le chef de l'Etat : la fameuse cassette vidéo où sont enregistrées les déclarations de Jean-Claude Méry, aujourd'hui décédé, qui accusait M. Chirac d'avoir assisté personnellement à la livraison en billets de cinq millions de francs, représentant une « commission » sur des attributions de chantiers ; et la déposition de l'ex-numéro deux de l'Office des HLM, François Ciolina, qui confirmait avec beaucoup de détails l'implication du maire de la capitale.
En outre, le juge Eric Halphen a été dessaisi du dossier, ce qui écarte de la route de M. Chirac un magistrat qui le harcelait et surtout met un terme au débat sur la légitimité d'une convocation du président par le même juge. M. Chirac avait refusé de s'y rendre et l'annulation semble lui donner raison.
Et donner tort à M. Halphen qui, pour autant, n'est pas accablé par ses supérieurs, lesquels n'ont jugé qu'en droit et semblent ne pas oublier que le désormais célèbre « petit juge » a subi les effets d'une violente campagne de presse et, naguère, fut la victime d'une tentative rocambolesque pour le discréditer. En d'autres termes, et compte tenu à la fois de la complexité du dossier, de la notoriété des personnes impliquées et des attaques lancées contre le juge, M. Halphen ne s'en serait pas trop mal tiré, même si aujourd'hui il doit passer la main.
Une nouvelle procédure
Certes, Jacques Chirac n'est pas du tout absous par la justice et le successeur de M. Halphen lancera une nouvelle procédure. Divers précédents démontrent que si le cours de la justice est lent, parfois même avec des périodes d'immobilité complète, il parvient à son terme. Par exemple, la procédure contre Xavière Tiberi a été une fois annulée, elle n'en a pas moins été condamnée quelques mois plus tard. En outre, la procédure relative aux dépenses personnelles de M. Chirac se poursuit. Il n'est donc pas impossible que le président se retrouve un jour avec plusieurs affaires sur les bras et personne ne peut dire qu'il pourra alors se disculper complètement.
Mais ce jour sera assez éloigné pour qu'entre-temps se déroulent la campagne électorale et l'élection présidentielle elle-même.
On sait déjà que les « affaires » n'ont pas entamé le moins du monde la popularité du président de la République qui, depuis l'été, devance largement son Premier ministre et rival, dont la cote baisse chaque semaine. M. Jospin peut en concevoir de l'amertume, dans la mesure où ce qu'on lui reproche - son passé trotskiste - reste infiniment moins grave que les libertés que l'ancien maire de Paris aurait prises avec le code pénal. Mais sans doute la popularité du chef du gouvernement souffre-t-elle moins des récits de plus en plus détaillés que journalistes et auteurs offrent de son passé que de la morosité nationale induite par les prémices d'une crise économique. Laquelle, en revanche, laisse indemne - merci la cohabitation - un président qui ne gouverne pas vraiment.
Mais, quelles que soient les raisons de la bonne santé politique de M. Chirac, apparemment invulnérable aux coups du sort, le voilà, à huit mois de l'élection présidentielle, sur la pente ascendante. Les nombreux candidats, déclarés ou non, à la magistrature suprême, ont beau nous mettre en main un marché séduisant, c'est-à-dire la fin de ce choix extrêmement restreint entre deux hommes qui, pour avoir marqué la vie politique française de ces trente dernières années, commencent à être lassants, il est infiniment probable que les Français désigneront les mêmes pour le second tour.
Depuis le début de l'année, les commentateurs nous serinent leur théorie du « troisième homme ». L'action patiente, presque modeste, de François Bayrou et la majestueuse candidature annoncée par Jean-Pierre Chevènement, qui se présente comme « l'homme de la nation », devraient donner un peu de consistance à cette idée d'autant plus intéressante qu'elle brise le moule dans lequel on fait les présidents français depuis trente ans. Mais à quoi bon ? On peut constater que Chevènement a du brio, que Bayrou joue une autre musique, ou même que Laguiller fait une belle rentrée, on n'y croit pas vraiment.
Voter " raisonnable"
Un Américain m'a dit un jour que ses concitoyens votaient toujours d'une manière « raisonnable ». Il voulait sans doute parler du comportement invariablement prévisible de la majorité silencieuse qui préfère un candidat ennuyeux mais sûr à un homme brillant mais qui propose un pari, donc un risque. A l'époque, l'Amérique devait choisir entre Richard Nixon et un dénommé George McGovern, un gouverneur démocrate dont le projet essentiel était d'en finir avec la guerre du Vietnam et de rapatrier le corps expéditionnaire américain. Bien entendu, Nixon a été réélu et il a fait, à sa manière, exactement ce que préconisait McGovern.
Il ne faut pas en tirer la leçon que Chirac et Jospin, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Il faut simplement en déduire que, sur l'essentiel, sur ce qui relève de l'histoire d'une nation, l'électorat tient compte de ce qui est dicté par les faits et doit être considéré comme inévitable pour placer au pouvoir celui qui, lui semble-t-il, s'adaptera le mieux aux circonstances. Car ce ne sont pas les prophètes qui changent le cours des choses : pour M. Chevènement, par exemple, la faillite de la France, c'est l'euro, c'est la perte de souveraineté nationale. Il ne sera pas élu parce que les Français ne croient pas qu'il s'agisse d'une faillite. Ils lui préféreront quelqu'un qui, à coup sûr, saura gérer l'intégration de la France dans l'Europe. Voter « raisonnable », c'est ça.
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