De notre envoyé spécial à Toulouse
Ni diagnostic de crise, ni thérapie de choc. Le grand soir de l'assurance-maladie, attendu par les uns, redouté par les autres, n'aura pas lieu. Pas pour l'instant.
A Toulouse, devant 4 000 délégués mutualistes mais aussi des représentants des caisses et des professions de santé, c'est un chef de l'Etat rendu prudent par la lourdeur du climat social qui a annoncé, non pas la réforme, mais plutôt la « modernisation » et la « consolidation » de l'assurance-maladie, dans un discours marqué par de longues digressions sur les valeurs de la République, le pacte social et la solidarité nationale.
Le système de santé ? « Il est bon. Il ne faut ni le bouleverser ni, certainement pas, en changer. Mais il est fragilisé par la dilution des responsabilités (...) ». Les outils ? Ils existent ! « Ce qu'il faut, c'est cesser d'en parler et les mettre en uvre. » Le calendrier et l'ampleur de la réforme promise par Jean-François Mattei ? L'action sera « nécessairement raisonnée et inscrite dans la durée », a relativisé le président de la République, confirmant les propos de son Premier ministre sur l'étalement du chantier de la Sécu (« le Quotidien » du 12 juin). A l'évidence, l'Elysée voulait éviter de jeter de l'huile sur le feu, couper court aux critiques d'un éventuel « plan Juppé 2 » ou d'un démantèlement annoncé de la Sécu. La tonalité mesurée du discours présidentiel n'a « pas déçu » Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité. « Il y a ceux qui promettent des réformes qui n'arrivent jamais, analyse-t-il . Je préfère explorer des pistes concrètes. Depuis six ans ans, en tout cas, rien n'a été fait. »
Le chef de l'Etat ne se contente pas du statu quo. Sur plusieurs dossiers, il a donné une impulsion politique, en martelant l'objectif poursuivi : garantir l'égal accès de tous à des soins de qualité. Un credo... mutualiste. Pour faciliter l'accès à une couverture complémentaire (trois millions de Français en sont privés), Jacques Chirac s'est engagé à instituer « une aide à la souscription d'une couverture individuelle pour ceux qui en ont besoin », sans préciser le calendrier. Cette aide serait réservée aux personnes juste au-dessus du seuil de la couverture maladie universelle (CMU). Mais on est loin ici du crédit d'impôt (ou réduction fiscale pour les personnes imposables) réclamé depuis des mois par la Mutualité pour faciliter l'accès de « tous les citoyens » à une mutuelle santé. La différence n'a pas échappé à Jean-Pierre Davant. « Il y a un vrai décalage. Mais j'ai conscience que la situation économique ne permet pas de raser gratis. On en reparlera... » Le chef de l'Etat, en revanche, a été longuement applaudi lorsqu'il a confirmé l'instauration prochaine d'un « statut de l'élu mutualiste », qui permettra d'indemniser « justement » les fonctions d'administrateur. Et donc de motiver les plus jeunes.
Mais Jacques Chirac s'est surtout montré impatient et directif sur le terrain en friche de la maîtrise médicalisée des dépenses dont les principaux outils, annoncés depuis des années, tardent à être mis en en place. « Il est temps maintenant de s'engager pleinement dans l'ère des réalisations concrètes, a-t-il tranché, avec une pointe d'agacement. (...) Je pense notamment à la formation médicale continue, aux références de bonnes pratiques médicales ou à l'évaluation (celle-ci est actuellement lancée à titre expérimental dans plusieurs régions) . »
Assez de « gaspillages » !
Et de fixer le calendrier aux partenaires : cette politique d'optimisation médicalisée des dépenses devra être opérationnelle « au plus tard au terme des douze mois à venir ». Autrement dit, le « pacte de confiance » avec les professionnels, si cher à Jean-François Mattei, devra faire ses preuves dès 2004, dans la foulée des premiers succès constatés avec l'essor des génériques ou la baisse des visites. Les réseaux de soins devront aussi être développés, au-delà des intentions. « Nous ne pouvons plus tolérer de gaspillages », a résumé le président de la République.
Pour Jacques Chirac, en tout cas, la dynamique qui a été lancée en juin 2002 pour les généralistes (revalorisation des actes suivie d'une maîtrise effective des dépenses) devra être poursuivie. « Il faudra y parvenir aussi avec les médecins spécialistes. » Un « signal » qui devrait mettre un peu de baume au cur aux syndicats médicaux. Revenant sur les aléas de la vie conventionnelle et sur l'extrême confusion des rôles qui caractérise la gouvernance de l'assurance-maladie, le président de la République a reconnu des circonstances atténuantes aux professions de santé. Lesquelles « ne savent plus s'il faut négocier avec l'Etat ou avec les caisses ». Un nouvel équilibre devra donc être trouvé, permettant aussi à la Mutualité française de devenir un « acteur à part entière » de la vie conventionnelle , à côté des régimes obligatoires. Flatteur, le propos n'a pas déplu à Jean-Pierre Davant, qui réclame précisément que les mutuelles soient associées pleinement à la gestion du risque et aux actions de régulation des dépenses.
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