A peine entré en campagne, c'est aux professionnels de santé que Jacques Chirac va consacrer une de ses premières interventions en tant que candidat à l'élection présidentielle. Il doit ouvrir ce matin les 23es Assises du Centre national des professions de santé (CNPS) et, dans la foulée, recevra à déjeuner à l'Elysée ses principaux représentants syndicaux, 22 personnes au total. Hasard de calendrier - sa présence était programmée de longue date -, son intervention n'en sera pas moins particulièrement attendue.
Face à un corps professionnel qui lui est traditionnellement acquis sur le plan électoral, et qui est en conflit ouvert depuis plusieurs semaines avec le gouvernement, le candidat Chirac pourrait faire entendre sa différence et commencer à dévoiler ses grandes orientations en matière de santé et de protection sociale.
Néanmoins, s'il reste fidèle à la stratégie qu'il s'est fixée pour cette campagne, celui qui se veut avant tout le candidat « de la France et du rassemblement » ne devrait pas s'en prendre à son rival « probable », Lionel Jospin, et à son bilan gouvernemental dans ce domaine.
« Sa présence suffit à montrer qu'il est naturellement à l'écoute des professionnels de santé, contrairement à Lionel Jospin qui, en cinq ans, n'a jamais voulu les recevoir. Et ce par pure idéologie », commente le Dr Pierre Morange, délégué à la santé du RPR. Et pour prouver qu'il ne s'agit pas là d'une simple démarche électoraliste, on rappelle, à toutes fins utiles, que sa présence aux assises du CNPS n'est pas inédite et que c'est la quatrième fois depuis qu'il est président de la République qu'il recevra à déjeuner une délégation de professionnels de santé libéraux.
La partie n'est cependant pas gagnée d'avance pour Jacques Chirac qui devra faire preuve de persuasion pour rétablir la confiance et convaincre des professionnels durablement traumatisés par le plan Juppé. « Il faut qu'il solde le passé une bonne fois pour toutes, qu'il tienne le langage de la vérité simplement et sans ambiguïté. Qu'il reconnaisse qu'ils ont eu tort à l'époque », estime le Dr Claude Maffioli, vice-président du CNPS et président du principal syndicat de médecins libéraux, la CSMF.
« Il devra se dégager de manière très formelle du plan Juppé et des sanctions collectives à l'encontre des professionnels. Seule l'annonce d'un changement complet de logique dans ce domaine peut rétablir la confiance », ajoute le président du CNPS, le Dr Jacques Reignault.
Les professionnels, de ce point de vue, devraient être entendus. Loin de remettre en cause la réforme de la Sécurité sociale dans son ensemble, qu'il inscrit au contraire à l'actif de son bilan, le président de la République s'efforce, depuis plusieurs mois déjà, de tourner la page d'un épisode douloureux pour les professionnels de santé, puisqu'il symbolise le début de la maîtrise comptable des dépenses et des mécanismes de sanctions financières en cas de dépassement de leurs objectifs.
Mécanismes de responsabilité individuelle
A plusieurs reprises, à l'occasion de ses rencontres avec les professionnels, Jacques Chirac a déclaré que les « mécanismes de responsabilité collective avaient correspondu à une période de crise financière et de transition » et qu'il fallait désormais passer à un système « de responsabilité, individuel et contractuel, fondé sur l'évaluation des pratiques ».
Son ancien Premier ministre, Alain Juppé, s'est lui aussi livré récemment à un mea culpa dans ce domaine. Le candidat à l'élection présidentielle, qui ne méconnaît pas le rôle qu'a pu jouer le corps médical dans la défaite de la droite aux élections de 1997, devrait donc clore définitivement ce chapitre aujourd'hui et proposer aux professionnels un pacte de confiance.
L'un des grands thèmes de sa campagne, celui d'un Etat moins présent qui délègue son pouvoir de gestion à la société civile et aux partenaires sociaux, pourrait ainsi être développé à cette occasion. « Nous n'attendons pas seulement qu'il nous redonne confiance, mais qu'il nous fasse confiance », souhaite le président de la CSMF.
« On a eu assez de promesses, on veut avant tout que la rénovation des rapports conventionnels avec l'assurance-maladie se poursuive », confirme le Dr Pierre Costes, président de MG-France.
Mais le candidat à l'élection présidentielle ne pourra pas faire abstraction du contexte dans lequel il prononcera son discours et de la grève des médecins généralistes qui se poursuit depuis trois mois pour obtenir des revalorisations d'honoraires. « La crise est plus profonde qu'une simple agitation préélectorale », estime un responsable syndical. Jacques Chirac devrait donc également en tenir compte et évoquer la nécessaire valorisation de l'acte médical ainsi que les problèmes de démographie médicale.
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