Chronique électorale
En choisissant le thème de la sécurité, sur lequel le gouvernement de Lionel Jospin n'a pas brillé, Jacques Chirac a voulu aborder en priorité un sujet à propos duquel l'opinion pense en général que la droite est mieux armée que la gauche.
D'un côté, on pourrait dire que, ce faisant, il mange son pain blanc parce qu'il sera moins à l'aise sur d'autres sujets. De l'autre, on peut penser qu'il essaie de capitaliser rapidement un surcroît d'audience après des sondages qui indiquent que la simple annonce de sa candidature lui a valu quatre points de plus dans les sondages.
L'impunité zéro
Le président ne s'est pas lancé à l'aveuglette. Il a mûri son projet dont « le Figaro » a publié les grandes lignes mardi. Il a modifié le vocabulaire sécuritaire, par exemple en remplaçant « l'intolérance zéro » par « l'impunité zéro », ce qui ne veut pas dire tout à fait la même chose et introduit des nuances qui offrent leur place aux causes sociales de la violence : en d'autres termes, M. Chirac se présente comme le candidat qui n'a rien à voir avec l'extrême-droite ni avec l'indulgence de la gauche. Il a donc tenu un langage propre au consensus : en finir avec l'arrogance des voyous tout en prévoyant leur « recyclage » social. « Aucun jeune, quelles que soient les fautes qu'il a commises, a-t-il déclaré, ne devra jamais être considéré comme perdu. » Voilà un concept qui conviendrait à Julien Drai. Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée, peut toujours dire qu'il ne voit là qu'un « catalogue de bonnes intentions » et que, une fois encore, Chirac énonce ce que les socialistes font déjà : la gauche, dans ce domaine, est moins crédible que le président. Elle ne peut pas nier la forte augmentation des statistiques sur les actes de violence ; elle ne peut plus ignorer des comportements qui portent atteinte à de nombreux citoyens et les traiter par ce que les Américains appellent « la négligence bénigne », comme elle l'a fait encore tout récemment à propos d'actes antisémites qu'elle a refusé d'attribuer au racisme pour ne pas se mettre à dos la communauté musulmane, ce qui n'a pas été le meilleur moment du gouvernement.
Ce qui appartient à Jospin
L'insécurité constitue bel et bien un sujet de débat électoral. Et la gauche doit prendre garde à ne pas l'occulter en répétant systématiquement que les idées de Chirac sont les siennes et que le bilan du président est inexistant. Elle ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir gouverné sous le prétexte qu'il a perdu les élections anticipées de 1997 : M. Jospin, quand il a triomphé il y a cinq ans, n'a pas suggéré au chef de l'Etat de se démettre et accepté d'emblée de gouverner sous le régime de la cohabitation ; la gauche ne saurait invoquer un détournement de ses propres projets par le président car, si c'était vrai, elle n'aurait pas à s'expliquer sur l'accroissement du nombre des délits et des crimes. L'insécurité, depuis cinq ans, c'est le problème de Jospin, pas de Chirac. Sinon, pourquoi Julien Drai a-t-il été appelé à la rescousse pour proposer des modifications à la loi sur la présomption d'innocence, soudainement reniée, dix-huit mois après avoir été portée sur les fonts baptismaux ?
On sera peut-être plus sceptique sur le projet du président de créer un ministère de la Sécurité et un Conseil de la sécurité intérieure. La France n'a jamais manqué d'organismes centralisateurs dont l'efficacité reste à démontrer. Il serait bon en revanche de mettre fin à ce qu'on appelle la « guerre des polices » qui limite la communication entre les divers services de sécurité et la gendarmerie. Si un organisme a les moyens de fédérer les systèmes de surveillance du territoire, pourquoi pas ?
Bref, M. Chirac n'a pas prononcé à Garges-lès-Gonesses un discours creux ou vide. Il s'est adressé directement à une préoccupation prioritaire de ses concitoyens et il l'a fait sans omettre les racines sociales du mal.
Qu'il ait passé ce cap avec succès ne signifie pas pour autant que la partie soit gagnée pour lui ; l'annonce de la candidature de Jospin - qui aurait lieu d'ici à mardi, selon M. Ayrault - augmentera automatiquement les chances du Premier ministre. Lequel s'appuiera, pendant la campagne, sur un bilan parfois discutable mais copieux de toute façon, et au sein duquel les réformes sociales sont à la fois abondantes et importantes. M. Jospin bénéficie en outre d'un avantage sur M. Chirac : il a fait ce qu'il a promis de faire, il a obtenu en 1997 une majorité parlementaire qui disposait d'un programme clair et précis. C'est un atout irremplaçable qui ne sera négligé que par ceux qui étaient et sont encore hostiles à sa politique économique et sociale, mais qui, du Medef à Démocratie libérale, n'auraient jamais dû être surpris de ce que le Premier ministre passât des mots aux actes.
M. Chirac, si habile qu'il soit au cours de la campagne, ne pourra pas enlever à M. Jospin ce qui lui appartient.
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