CELA SIGNIFIE AU MOINS que le chef de l’Etat, qui a accompli deux mandats totalisant douze années, n’exclut pas de se présenter de nouveau pour un troisième mandat. En cas de victoire, il gouvernerait jusqu’à 79 ans. Cela signifie aussi qu’on ne peut pas compter sur une campagne qui serait figée par les candidatures de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy. L’hypothèse, remise sur le tapis avec une certaine candeur par le président de la République, soulève deux questions : celle de la faisabilité et celle des conséquences politiques, pour ne pas dire historiques.
C’est légal et légitime. La Constitution n’interdit pas à M. Chirac de briguer un troisième mandat. Son âge n’est pas davantage un motif d’empêchement. Il se porte mieux, pour l’instant, que beaucoup de gens plus jeunes que lui. Il n’appartient qu’à l’électorat de juger si sa candidature est acceptable ou non.
Dans un entretien avec « le Parisien », le chiraquien Jean-François Probst nous offre un scénario séduisant : Sarkozy 2007 serait Balladur 1995. La France ne jurait que par lui, tout le monde désertait Chirac et puis, brusquement, la courbe de popularité s’est inversée en faveur de l’ancien Premier ministre de Giscard et de Mitterrand.
Ce n’est pas faisable. Cette hypothèse ne vaut que parce qu’elle s’appuie sur l’idée que l’histoire se répète. Mais les conditions de 2007 sont très différentes : en 1995, le candidat socialiste s’appelait Lionel Jospin. En face de la droite, il n’y a plus le besogneux Jospin qui arrivait à la force du poignet, il y a le panache de Ségolène, candidate qui joue sur son universalité apparente. Elle est la madonne des Français avant même d’être élue.
Car, supposons que Chirac soit investi. Est-il encore capable de rassembler la droite et le centre ? Sa popularité actuelle lui garantit-elle une dynamique électorale ? Les Français ne vont-ils pas lui préférer majoritairement Ségolène Royal, qui aura alors l’avantage du neuf, du jeune, de la féminité ? Et un 21 avril inversé, avec un deuxième tour Royal-Le Pen, ne deviendrait-il pas très probable ?
Philosophiquement, historiquement, politiquement, les Français craindront de se ridiculiser en choisissant un président septuagénaire qui a eu le temps d’appliquer diverses politiques contradictoires, a essuyé de nombreux échecs, ne peut en aucun cas incarner le renouveau français. Ils seraient accusés de passéisme.
RIEN DE FORMEL N'EMPECHE CHIRAC D'ETRE CANDIDAT. TOUT, POLITIQUEMENT, L'EN EMPECHE
Handicaps.
Il n’est pas possible que le chef de l’Etat n’ait pas déjà songé aux handicaps qui s’attachent à son nom et à sa longue carrière. Et la réponse qu’il a faite aux journalistes nous semble plus destinée à compliquer le jeu, à inquiéter Nicolas Sarkozy, et en somme à faire perdre la droite, qu’à espérer pour lui-même une prolongation de cinq ans qui serait jugée partout dans le monde comme une sorte de cadeau scandaleux. Il faudrait que M. Chirac ait perdu tout contact avec le peuple français dans sa diversité (et non pas seulement celui des cérémonies officielles) et même avec la réalité pour qu’il continue à croire qu’il a une chance.
L’histoire ne s’écrit pas à coups de manipulations. Quand on dit, par exemple, que Mitterrand a fait élire Chirac en 1995 et que Chirac a fait élire Mitterrand en 1981, il est bon de relativiser : ils ont peut-être pesé sur les scrutins, mais nous sommes dans la démocratie d’un homme, une voix ; et personne ne décide à la place de l’électeur dans le secret de l’isoloir.
Certes, le chef de l’Etat peut imaginer un embrouillamini tel que la France reconnaissante se tournerait vers lui comme autrefois elle a réclamé Pétain ; ou de Gaulle, un peu plus tard. Peut-être est-il tenté d’organiser ou tout au moins de contribuer à un certain désordre dans les esprits pour cueillir les fruits d’un désarroi national. Ce serait jouer avec le feu et c’est aussi aller un peu loin dans les accusations. On préfère croire que le président se ravisera à temps. Avant de finir sur une défaite.
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