« Il paraît que notre président est appareillé », lance ingénument le chat Sénéchal ; « Quoi ? Le président est un ancien yé-yé ? », rétorque, dubitatif, le chien Cubitus. Sous le dessin signé par l'auteur de BD Dupa, le slogan du groupe d'audioprothésistes Entendre met dans le mille : « Mal entendre, ça se voit. »
Publié par « le Journal du Dimanche », « Libération » et « le Figaro », cette publicité entraîne un bruyant retentissement médiatique.
« Mercredi dernier, à 7 heures du matin, raconte Marie-Christine Laurent, j'ai entendu à la radio un écho sur l'article de "l'Express" qui révélait les problèmes auditifs de Jacques Chirac et signalait que l'oreille gauche du président était discrètement appareillée. Pour nous qui menons campagne depuis des années contre les tabous dont sont victimes les malentendants, il y avait là une occasion à saisir », explique la directrice de ce réseau de professionnels indépendants, qui regroupe également les opticiens Krys.
Le rebond fut immédiat : quelques heures plus tard, l'agence publicitaire Colorado réalisait le visuel qui s'étalait deux jours après dans les journaux.
Depuis, radios, télés, agences de presse relayent la campagne. L'approche opportuniste paie donc, « sans compromettre notre réputation éthique », insistent les responsables d'Entendre, qui, emportés par leur conviction que les préjugés sur l'âge et sur l'esthétique des appareils privent les Français d'une aide pourtant bien utile, déplorent, justement, la discrétion élyséenne.
Selon Europe 1, ce souci de discrétion aurait même conduit Jacques Chirac à aller se faire équiper chez des spécialistes canadiens. Mais l'océan Atlantique n'aura pas suffi à engloutir l'affaire.
Secret médical
« Ne serait-ce pas l'occasion, cependant, de clarifier une bonne fois pour toutes la communication autour de la santé présidentielle ? » demande l'hebdomadaire par qui l'information est quand même arrivée. C'est que, si la surdité et son traitement relèvent sans doute encore du tabou, l'information sur la santé du chef de l'Etat fait l'objet d'un interdit non moins vivace.
Après les cas de Georges Pompidou et de François Mitterrand et de ce qu'il faut bien considérer aujourd'hui comme un mensonge d'Etat, le candidat Jacques Chirac se l'était tenu pour dit dès sa campagne de 1995 : le secret médical l'emporte sur tout autre considération. Comme le déclarait au « Quotidien » (le 3 avril 2002) l'un de ses médecins, sous le sceau de l'anonymat, ce « secret médical est plus fort que le goût du public d'être informé sur tout et sur tous. Mieux vaut le silence qu'un bulletin bidon. Il n'y a pas de solution satisfaisante qui puisse être codifiée ».
Pas même la solution préconisée par le Pr Guy Vallancien, qui, dans un rapport rédigé en 1996, avait suggéré que le président soit régulièrement examiné par un collège d'experts indépendants. « J'avais proposé, explique-t-il, que les conclusions médicales soient non pas rendues publiques, mais transmises au Conseil constitutionnel, lequel Conseil statuerait au final, le cas échéant, sur un éventuel empêchement, sans aucune interférence avec le respect dû à la vie privée, fût-ce celle du président de la République. »
Dans le cas présent, la boîte de Pandore sur la santé présidentielle est entrouverte sur un sujet bien innocent, qui ne met rien de conséquent en jeu, ni pour la santé du président, ni pour la bonne marche de la présidence. Mais l'occasion, sans risque, de lever un coin du voile ne semble pas avoir été saisie par les communicants de la présidence.
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