On sait que, chez les sujets porteurs d'une hémopathie maligne, il existe souvent des complications bactériennes. Chez les malades ayant une fièvre avec neutropénie, un traitement rapide par antibiotiques à large spectre réduit le risque de mortalité liée à l'infection ; cela, au prix d'un coût élevé, de l'émergence de résistances et d'une toxicité.
Quant à l'antibiothérapie prophylactique et aux CSF (Colony Stimulating Factors), ils donnent des bénéfices modérés.
Les organismes infectieux présents dans le tractus gastro-intestinal peuvent gagner le flux sanguin si l'épithélium intestinal est endommagé par la chimiothérapie. On est donc en droit de penser que des stratégies thérapeutiques limitant ces dégâts intestinaux pourraient réduire le risque de bactériémie.
L'épithélium intestinal endommagé par la chimiothérapie
L'interleukine recombinante humaine est une cytokine pléiotropique : elle stimule la différenciation mégacaryocytaire, elle protège les cellules gastro-intestinales contre les dégâts associés à la chimiothérapie et elle réduit le risque de mucite. De plus, la rHuIL11 a des propriétés immunomodulatrices incluant une régulation négative de la réponse pro-inflammatoire, qui pourrait améliorer le sepsis. Quand on administre à des rats neutropéniques des doses létales de Pseudomonas aeruginosa, la rHuIL11 a un effet protecteur contre la bactériémie et le décès.
Toutes ces considérations ont conduit des chercheurs des Emirats arabes unis, de Suède et du pays de Galles à chercher à savoir si, oui ou non, la rHuIL11 peut réduire la bactériémie chez des patients ayant une hémopathie maligne avec neutropénie ; et, si oui, ils ont cherché à voir si, oui ou non, cette réduction est associée à la préservation de l'intégrité muqueuse du tractus gastro-intestinal.
Pour cela, ils ont mis en place une étude en double aveugle, contrôlée par placebo, randomisée. Ont été inclus 40 patients ayant une hémopathie maligne et qui étaient sous chimiothérapie. Ces patients ont été répartis en deux groupes égaux en nombre : 20 ont reçu la rHuIL11 (50 μg/kg) et 20, un placebo ; cela, tous les jours, soit jusqu'à la fin de la neutropénie, soit pendant 21 jours. L'objectif principal était une réduction de la bactériémie. L'analyse a été effectuée en intention de traiter.
Résultat : de façon significative, moins de patients du groupe rHuIL11 ont développé une bactériémie, particulièrement d'origine intestinale ; la proportion de patients ayant au moins une hémoculture positive était de 25 % dans le groupe rHuIL11 et de 65 % dans le groupe placebo.
Maintien de l'intégrité du tube digestif
De plus, une forte proportion des germes isolés dans les hémocultures étaient d'origine gastro-intestinale. « Donc, nos résultats sont concordants avec la notion selon laquelle la rHuIL11 inhibe le transfert bactérien de l'intestin vers le sang en maintenant l'intégrité de l'épithélium du tube digestif pendant la chimiothérapie », estiment les auteurs.
Les auteurs reconnaissent toutefois que leur essai ne portait que sur un petit nombre de patients et que des travaux complémentaires plus importants doivent être faits pour confirmer leurs résultats. « Si nos résultats sont confirmés, la rHuIL11 pourrait devenir une nouvelle approche non antibiotique pour la prise en charge du sepsis chez ces patients », concluent les auteurs.
Michael Ellis et coll. «Lancet » du 25 janvier 2003, pp. 275-280.
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