La greffe de cellules souches du sang est utilisée depuis de nombreuses années, tant en hématologie qu'en cancérologie, dans des pathologies où de hautes doses de chimiothérapie sont nécessaires.
Les fortes doses de chimiothérapie agissent non seulement sur les cellules pathologiques mais aussi sur les cellules saines, détruisant notamment les cellules hématopoïétiques matures et fonctionnelles (aplasie). Ce phénomène entraîne des risques hémorragiques (déficit en plaquettes) et infectieux (déficit en leucocytes) pouvant engager le pronostic vital.
Trente fois plus de cellules
Actuellement, les greffons utilisés pour lutter contre la toxicité hématologique sont prélevés non plus à partir de la moelle osseuse, mais à partir du sang circulant (greffe de cellules souches périphériques). Malgré ce progrès, la période pendant laquelle le nombre de globules blancs ou de plaquettes est « dangereusement bas » est d'environ douze jours. Durant cette période d'aplasie sévère, le patient traité en chambre stérile risque des complications sévères, infectieuses ou hémorragiques.
Sachant que la durée de cette période est inversement proportionnelle au nombre de cellules sanguines greffées, plusieurs équipes, dont l'équipe du Pr Josy Reiffers, ont envisagé de pouvoir diminuer cette période d'aplasie en travaillant sur une technique permettant de produire un plus grand nombre de cellules différenciées et de cellules souches hématopoïétiques à partir de cellules souches prélevées sur le patient, en les mettant dans un milieu de culture adapté. C'est la technique d'expansion ex vivo (EVE).
Une étude pilote initiée par l'équipe du Pr Josy Reiffers a été menée sur 27 patients atteints d'un myélome multiple. Son objectif était de montrer la non-toxicité de cette méthode d'expansion in vivo. Les cellules souches du sang des patients ont été collectées après mobilisation par chimiothérapie et facteurs de croissance. Une partie a été congelée sans manipulation. Une autre partie, après « un tri cellulaire » pour isoler les cellules les plus immatures (avec un marqueur spécifique CR34+), a été placée dans des poches perméables aux gaz contenant un milieu de cultures sans sérum et additionné de cytokines pendant dix jours. Les cellules (trente fois plus qu'au départ) sont ensuite réinjectées au patient au lendemain de sa chimiothérapie à haute dose, ainsi que les cellules non manipulées, par mesure de sécurité.
Au cours de cette étude, publiée il y a deux ans dans le « Lancet » (25 septembre 1999, vol. 354, n° 9184), la réinjection des cellules amplifiées s'est révélée bien tolérée. Quant aux durées d'aplasie, étudiées sur 14 patients, elles ont été plus brèves et un tiers des patients n'a pas présenté de neutropénie absolue, ce qui apparaît comme un réel progrès. Les patients pourraient ne plus être maintenus en chambre stérile, l'autogreffe pourrait être envisagée alors en secteur conventionnel, voire en hôpital de jour.
Enfin, comparant cette nouvelle forme de greffes de cellules souches cultivées à la pratique courante, il est apparu que la réduction de la neutropénie est bien liée au nombre de cellules totales amplifiées réinjectées.
Faisant suite à cette étude pilote, une autre étude actuellement en cours portant sur 20 patients a pour objectif d'évaluer si la réinjection de cellules souches hématopoïétiques amplifiées permet l'obtention d'une reconstitution hématopoïétique rapide, complète et durable. Cette dernière étude, initiée par le Pr J. Reiffers et le Laboratoire Amgen, diffère de la première : le protocole a été modifié, l'ensemble des cellules collectées et greffées est amplifié.
Le temps de récupération des neutrophiles
Cette étude servira de base à une étude multicentrique nationale randomisée où 80 patients atteints de myélome multiple doivent être enrôlés afin d'évaluer le temps de « récupération des neutrophiles » et d'étudier les incidences des infections, l'administration ou non d'antibiotiques... Sept laboratoires de thérapie cellulaire y participeront.
Un partenariat pour ce protocole clinique national d'expansion ex vivo de cellules souches périphériques s'est instauré entre l'Etablissement français du sang, qui a pour vocation de fournir des cellules humaines à des fins thérapeutiques, et le Laboratoire Amgen, leader mondial de la recherche en biotechnologie, qui fournira entre autres les cytokines. Cet essai, dont l'investigateur est le Pr Reiffers, a obtenu également le soutien financier du Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC).
La technique d'expansion ex vivo, en fonction des résultats obtenus dans cette étude, pourrait avoir bien d'autres applications, et « permettre aux patients de bénéficier en toute sécurité de traitements exceptionnels en cancérologie ».
Conférence de presse organisée par Amgen biotechnologie et EFS (Etablissement français du sang), avec notamment la participation du Pr Josy Reiffers.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature