Tout commence par l'histoire d'une patiente de 59 ans chez qui on découvre un cancer du sein. Chimiothérapie (doxorubicine, cyclophosphamide) ; malgré un traitement préventif classique bien conduit, la patiente a des nausées sévères après les deux premiers cycles de chimiothérapie.
Il se trouve que, à cause du cancer, le traitement hormonal de la ménopause de cette femme a été arrêté ; d'où apparition de bouffées de chaleur et prescription de gabapentine à raison de 300 mg trois fois par jour (1) ; ce qui fait disparaître les bouffées de chaleur ; et, surprise : après les cycles 3 et 4, la patiente n'a plus de nausées.
Cette observation inattendue a conduit l'équipe à entreprendre un essai en ouvert pour étudier les effets de la gabapentine (300 mg trois fois par jour) sur les nausées induites par la chimiothérapie chez des femmes ayant un cancer du sein et n'ayant pas encore reçu de chimiothérapie.
Dans l'essai, les femmes ont reçu quatre cycles de chimiothérapie espacés de trois semaines. Il leur était demandé, grâce à une échelle visuelle, de coter leurs nausées et de tenir un agenda pendant cinq jours à chaque cycle ; l'échelle allait de 0 (pas de nausées) à 8, les nausées modérées correspondant à un score de 4.
Pour lutter contre les nausées, les patientes avaient toutes un traitement IV (ondansétron, dexaméthasone ± lorazépam) avant chaque chimiothérapie.
Pour les cycles 2 et 4, les patientes recevaient également de la gabapentine : début cinq jours avant la chimiothérapie avec une capsule au coucher pendant deux jours, puis deux fois par jour pendant deux jours, enfin trois fois par jour pendant six jours. Si ces doses n'étaient pas suffisantes pour le cycle 2, elles pouvaient être doublées pour le cycle 4.
Un traitement anti-émétique de sauvetage par voie orale était possible en cas de besoin (ondansétron, perchlorperazine, dexaméthasone).
L'étude a porté sur 9 patientes qui, après le premier cycle de chimiothérapie, donc malgré le traitement anti-émétique classique, avaient un score de nausées de 4 ou plus.
Moins de nausées immédiates et retardées
Résultat : globalement, la gabapentine était associée à une réduction des nausées à la fois immédiates (dans les vingt-quatre heures) et retardées (de 2 à 5 jours), réduction en moyenne de 3 points sur l'échelle. Trois patientes qui avaient un score de 6 des nausées immédiates sans gabapentine avaient une disparition complète des nausées immédiates et retardées sous gabapentine. Trois autres avaient une amélioration d'au moins trois points.
La gabapentine, rappellent les auteurs, est un analogue du GABA approuvé comme anticonvulsivant. L'un d'eux a suggéré il y a peu de temps (1) que l'activité de la tachykinine était impliquée dans le mécanisme d'action de la gabapentine contre les bouffées de chaleur ; l'action contre les nausées pourrait aussi passer par un antagonisme du récepteur de la tachykinine (« N Engl J Med », 1999 ; 340 : 190-195).
« Etant donné que cette étude a été réalisée en ouvert, sans contrôle par un placebo, les résultats doivent être considérés comme préliminaires. Les effets de la gabapentine sur les nausées induites par la chimiothérapie méritent d'autres investigations », concluent les auteurs.
Guttuso et coll. (université de Rochester). « The Lancet » du 17 mai 2003, pp. 1703-1705.
(1) Guttuso et coll., « Obstet Gynecol », 2003 ; 101 : 337-345.
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