Au décours d'un AVC ou d'un AIT
LES ACCIDENTS vasculaires cérébraux (AVC) et la maladie coronaire (MC) partagent des facteurs de risque et des mécanismes communs, et plusieurs études ont mis en évidence l'existence de liens épidémiologiques assez forts entre ces deux pathologies. Le suivi à cinq ans de 370 patients victimes d'un premier AVC montre que la mortalité à 1 an est considérable puisqu'elle atteint 58 %, et que les deux tiers des décès sont liés à l'accident initial (1). En revanche, au-delà de 1 an, 40 % des malades décèdent d'une cause cardiaque, en particulier coronaire. Dans une autre étude, 9 % des patients qui ont eu un AVC présentent, dans les trois ans qui suivent, un autre AVC, et un peu plus de 1 % un infarctus du myocarde (2). Parmi les malades dont l'accident initial était une ischémie myocardique, 3 % ont eu un AVC et 7,09 % un IM. Globalement, de 20 à 30 % des événements survenant dans les trois années qui suivent l'AVC sont des IM aigus. Cependant, ces chiffres sous-estiment probablement les accidents coronariens, car ils ne prennent pas en compte la mort subite ni les processus de revascularisation. L'étude Caprie, menée sur plus de 19 000 patients, confirme que le risque d'IM aigu après AVC est non négligeable et met l'accent sur un sous-groupe de patients auxquels il faudrait prêter une attention particulière : ceux qui ont une artériopathie des membres inférieurs (3). Ces observations justifient la recherche d'une MC au décours d'un AVC ou d'un accident ischémique transitoire (AIT).
Quels patients ?
Cette recherche doit être menée sur une population sélectionnée de malades, essentiellement ceux qui sont à haut risque de MC asymptomatique : les diabétiques, les artéritiques, les sujets ayant de nombreux facteurs de risque cardio-vasculaire, les patients présentant un ECG de repos pathologique, des anomalies de l'échocardiographie conventionnelle avec, notamment, des troubles de la cinétique spontanée du ventricule gauche.
On sait que de 25 à 30 % des coronariens candidats à une prise en charge interventionnelle sont diabétiques. Par ailleurs, il existe une importante association entre les différentes localisations de la maladie athéromateuse. En présence d'une artériopathie des membres inférieurs, la prévalence de l'atteinte coronarienne augmente. Dans les AVC ou les AIT impliquant l'atteinte d'un gros tronc artériel cérébral, le risque d'association à une atteinte coronarienne est également plus élevé. Une étude menée sur 69 patients victimes d'un AVC ou d'un AIT sans MC évidente a montré que les tests de stress cardiaque étaient plus souvent anormaux chez les patients avec atteinte carotidienne que chez les sujets indemnes de lésions carotidiennes (4).
Enfin, il faut aujourd'hui prendre en compte des données plus récentes concernant l'épaisseur intima/media (EIM) de la carotide et de l'aorte. D'après une étude pilote, une EMI carotidienne inférieure à 0,55 mm associée à une EMI aortique inférieure à 3 mm est un excellent facteur prédictif de l'absence de MC : sa valeur prédictive négative est de 99 % (5). Mais, quelle que soit la méthode utilisée pour tenter de rechercher une MC, il est actuellement impossible de détecter, par des moyens non invasifs, certaines plaques athéromateuses non ischémiantes mais fragiles, responsables de thrombose coronaire aiguë, un accident qui peut être mortel en quelques minutes.
Une évaluation indirecte du risque de MC, par le calcul du risque cardio-vasculaire absolu, doit aussi être réalisée. Au-delà d'un seuil de 10 %, les patients sont considérés comme à haut risque. On peut également utiliser le contexte clinique de l'étude Caprie. L'un de ses investigateurs a constaté une corrélation entre le nombre de facteurs de risque obtenus dans cette dernière et le risque d'infarctus du myocarde (IM) à trois ans. Celui-ci atteint près 18 % chez les patients cumulant 5 facteurs.
Comment ?
La prédiction du risque coronarien, systématique après un AVC ou un AIT, se fonde sur l'évaluation clinique rigoureuse, les facteurs de risque athéromateux et, en ce qui concerne les examens complémentaires, l'ECG de repos et l'échographie cardiaque conventionnelle. Parmi les examens complémentaires à la recherche d'une ischémie myocardique, l'ECG d'effort et la scintigraphie myocardique de stress et l'échographie dobutamine, qui permet de mettre en évidence un trouble de la cinétique locale du ventricule gauche, sont les deux tests les plus adaptés. La coronarographie est indiquée uniquement en cas de suspicion d'une MC et doit alors être réalisée à distance de l'accident neurologique. L'échographie dobutamine est une exploration qui doit être facile d'accès : elle permet de mettre en évidence un trouble de la cinétique locale du ventricule gauche. Dans les années à venir, on peut envisager détecter les patients à risque par la recherche d'un syndrome inflammatoire (la maladie athéromateuse est une maladie systémique), notamment par le dosage de la CRP. Enfin, les patients qui ont eu un AVC ou un AIT doivent bénéficier de la même prévention secondaire que les coronariens.
D'après la communication du Dr Jean-Pierre Monassier, service de cardiologie, centre hospitalier de Mulhouse.
(1) Hankey G et coll. Stroke. 2000 ; 31 (9) : 2080-2086.
(2) Vickrey BG et coll. Stroke 2002 ; 33 (4) : 901-906.
(3) Lancet 1996 ; 348 (9038) : 1329-1339.
(4) Chimowitz MI et coll. Stroke. 1997 ; 28 (5) : 941-945.
(5) Belhassen L et coll. JAAC 2002 ; 39 : 1139-1144.
(6) Cannon CP. 2002 ; 90 : 760-762.
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