D ANS l'unité d'électromyographie de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, de cinq à six enfants sont explorés chaque année pour une paralysie sciatique acquise à la suite d'une injection intrafessière. Un quart d'entre eux sont âgés de plus de dix ans. Le risque concerne donc les enfants de tous les âges, sauf les nouveau-nés qui, depuis les années quatre-vingt, ne sont pratiquement plus vaccinés dans la fesse.
« Le tronc sciatique n'est que très rarement blessé par piqûre directe, explique le Dr Michèle Mayer, l'injection ayant eu lieu dans la majorité des cas au niveau du quadrant supéro-externe. Le responsable est le produit lui-même qui, injecté à proximité du nerf, diffuse passivement jusqu'à lui et le lèse par effet caustique direct, et peut-être en partie par l'intermédiaire d'un spasme des filets capillaires vascularisants. Une seule injection peut suffire à léser le sciatique, mais, dans certains cas, c'est la répétition des injections qui augmente le risque de diffusion jusqu'au nerf. »
La symptomatologie qui alerte
Les signes d'appel surviennent très rapidement. Une impotence fonctionnelle douloureuse du membre inférieur est notée immédiatement ou dans les heures qui suivent l'injection. Les enfants les plus grands ne peuvent plus prendre appui sur leur pied, les nourrissons hurlent à la mobilisation du membre. Il arrive que le pied devienne œdématié, rouge et froid. La paralysie domine le plus souvent dans le territoire du sciatique poplité externe. En quelques jours ou semaines, une amyotrophie apparaît au niveau du territoire paralysé, avec une hypoesthésie objective qui remplace l'hyperesthésie initiale variable.
« L'exploration électromyographique montre un abaissement en quelques jours des vitesses de conduction nerveuse, motrice et sensitive le long du nerf sciatique poplité externe et éventuellement du nerf sciatique poplité interne. L'électromyogramme au niveau des muscles correspondants est neurogène et confirme l'origine périphérique de la paralysie et la topographie sciatique. Il permet de suivre l'évolution avant et après neurolyse », explique la spécialiste.
Neurolyse extrafasciculaire
D'après la littérature, l'évolution spontanée conduit à une récupération totale chez environ 25 % des enfants, les premiers signes d'amélioration étant observés dès les premières semaines après l'injection ; mais le plus souvent il y a des séquelles. « C'est pourquoi, précise le Dr Mayer, certaines équipes comme celle de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul conseillent une neurolyse, trois semaines après l'injection, si l'atteinte est complète (nerfs sciatiques poplités externe et interne). Si l'atteinte est incomplète, une surveillance clinique et électrique étroite pendant un à sept mois au maximum va guider l'attitude thérapeutique. La neurolyse extrafasciculaire permet de lever la compression mécanique, sans pour autant restaurer une éventuelle vascularisation défaillante. A un stade tardif, on peut tenter une résection-greffe. Dans tous les cas, la kinésithérapie et la posture nocturne, voire diurne, par attelle antiéquin, vont lutter contre la survenue de rétractions et d'attitudes vicieuses du membre atteint. »
Chez environ 40 % des enfants, la récupération est totale, dans 40 % des cas les enfants gardent des séquelles fonctionnelles et dans 20 % des cas, des séquelles invalidantes.
Utiliser le quadriceps
Pour toutes ces raisons, les injections intrafessières doivent être dorénavant proscrites chez l'enfant, leur caractère soi-disant moins douloureux et moins traumatique par rapport à d'autres sites ne pouvant en aucune manière être mis en balance par rapport au risque de paralysie définitive d'un membre.
Les recommandations sur les techniques de vaccination (France, autres pays d'Europe, Etats-Unis, OMS) rappellent que les injections intramusculaires doivent être effectuées dans le quadriceps, à la face antérieure de la cuisse, très précisément sur la ligne médiane à mi-hauteur du muscle. L'injection dans le deltoïde est possible chez les plus grands.
D'après un entretien avec le Dr Michèle Mayer, service de neuropédiatrie, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris.
Bibliographie :
« Paralysie sciatique après injection intrafessière chez l'enfant : un risque toujours d'actualité », M. Mayer, O. Romain « Arch Pediatr », 2001 ; 8 : 321-323.
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