De notre correspondante
à New York
« L'aspect le plus important de ce travail, en dehors de ses implications cliniques possibles, est qu'il change notre vision du cur, considéré auparavant comme un organe sans capacité de régénérescence et ne relevant par conséquent que des approches palliatives. Nous sommes maintenant devant la possibilité de développer de vraies approches régénératrices pour traiter l'infarctus du myocarde, et peut-être d'autres formes d'insuffisance cardiaque », explique au « Quotidien » le Dr Bernardo Nadal-Ginard de l'Institut de recherche cardio-vasculaire du New York Medical College (Valhalla, New York).
« Maintenant que nous avons découvert où résident les cellules souches, nous développons des stratégies pour les mobiliser et les déplacer vers les zones cardiaques endommagées », précise dans un communiqué le Dr Piero Anversa qui a codirigé ces travaux avec le Dr Nadal-Ginard. « Nous développerons ensuite des protocoles d'essais cliniques de phase I, afin de les soumettre à la FDA. »
Leur étude, publiée dans la revue scientifique « Cell », suit de près une autre étude de l'équipe publiée le 2 septembre dans les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine. Celle-ci démontrait que les cellules souches dans le cur étaient activées dans la sténose aortique de l'homme. « Par conséquent, l'hypertrophie cardiaque n'est pas due exclusivement aux myocytes existants, comme on le pensait, mais à une combinaison d'hypertrophie des myocytes et de nouvelle génération des myocytes (hyperplasie) », explique au « Quotidien » le Dr Nadal-Ginard.
La notion du cur adulte comme un organe postmitotique incapable de se régénérer avait été ébranlée, ces dernières années, par la découverte d'une sous-population de myocytes se répliquant dans le cur normal ou pathologique. Toutefois, l'origine et l'importance de ces cellules restaient obscures. Existerait-il des cellules souches dans le cur adulte ? Cela restait à prouver.
L'équipe de Nadal-Ginard, Anversa et coll. a étudié cette question chez le rat. Elle a voulu savoir s'il est possible d'identifier, dans le myocarde du rat adulte, des cellules exprimant le marqueur c-kit, un marqueur exprimé en général sur les autres cellules souches.
En examinant des sections de myocarde au microscope, ils ont effectivement identifié des cellules exprimant les marqueurs c-kit des cellules souches mais n'exprimant pas les marqueurs des lignées sanguines ou hématopoïétiques (Lin -, CD34 -).
Les chercheurs ont ensuite démontré que ces cellules possèdent bien, in vitro et in vivo, toutes les caractéristiques des cellules souches. Ces cellules, isolées du cur, sont bien autorenouvelables, clonogéniques et multipotentes et donnent naissance à au moins trois types de cellules différenciées : les myocytes, les cellules musculaires lisses et les cellules endothéliales vasculaires.
Régénération de 70 % du myocarde du ventricule gauche
De plus, lorsque ces cellules, isolées et enrichies ex vivo, sont injectées en bordure d'un infarctus chez le rat, elles reconstituent un myocarde bien différencié, composé de nouveaux myocytes et vaisseaux sanguins fonctionnels, couvrant plus de 70 % du ventricule gauche. Ces cellules présentent donc un extraordinaire pouvoir de régénérer le myocarde. « A notre connaissance, c'est l'une des régénérations tissulaires les plus étendues d'un organe solide qui ait été décrite jusqu'ici », soulignent les chercheurs. « En l'espace de quelques semaines, les cellules injectées régénèrent plus de 50 % des myocytes contractiles et des cellules vasculaires qui sont normalement présents dans le myocarde ».
« Ainsi, le cur adulte, à l'instar du cerveau, est composé principalement de cellules ayant achevé leur différenciation, sans être pour autant un organe totalement différencié puisqu'il contient des cellules souches qui permettent sa régénérescence », déclarent les chercheurs.
Des perspectives thérapeutiques
L'existence de ces cellules souches cardiaques ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les millions de patients qui survivent à un infarctus du myocarde mais développent une insuffisance cardiaque progressivement fatale.
Les chercheurs entrevoient la possibilité que ces cellules puissent être stimulées, ou amenées in vivo à se déplacer vers le myocarde endommagé, afin de réparer le cur sans avoir besoin d'introduire des cellules exogènes. Ils s'attachent maintenant à découvrir les signaux précis qui régulent la prolifération et la différenciation de cette population cellulaire.
« Cell », 19 septembre 2003.
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