De notre correspondante
à New York
L A nicotine, on le sait, est responsable de la dépendance à la cigarette, et une thérapie substitutive par la nicotine (en patch, en chewing-gum ou en nébulisateur) est de plus en plus souvent utilisée pour un sevrage tabagique. La nicotine est aussi en cours d'évaluation dans le traitement de divers troubles comme la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, la rectocolite hémorragique et les troubles du sommeil.
Mais une série d'expériences chez la souris soulève des questions sur les conséquences que pourrait avoir la prise au long cours de nicotine. Des chercheurs avaient précédemment montré que la nicotine, à des concentrations trouvées dans le plasma des fumeurs, stimule la synthèse d'ADN et la prolifération des cellules endothéliales in vitro, par le biais des récepteurs acétylcholine nicotiniques (nAChR).
Heeschen et coll. (université de Stanford, Californie) montrent que la nicotine, en plus d'être mitogène, est un facteur de survie pour les cellules endothéliales in vitro (elle réduit l'apoptose des cellules sous hypoxie) et les conduit à former des réseaux de capillaires in vitro. Ils montrent aussi, pour la première fois, qu'elle induit l'angiogenèse in vivo. Des démonstrations réalisées sur quatre modèles murins.
La densité des capillaires augmente
Premièrement, la nicotine augmente la réponse angiogénique à l'inflammation locale, lorsque des disques de polymère sont implantés dans le flanc de souris. Deuxièmement, elle augmente la densité des capillaires et le nombre et le diamètre des vaisseaux collatéraux dans les pattes arrières ischémiées de la souris. Cela s'accompagne d'une amélioration de la perfusion tissulaire. Troisièmement, elle augmente la vascularisation dans le carcinome pulmonaire de Lewis situé dans le tissu sous-cutané ou dans les poumons de la souris. Cette angiogenèse accrue s'accompagne d'une augmentation de la vitesse de croissance tumorale et de la production du VEGF. Quatrièmement, enfin, la nicotine augmente la vascularisation et la croissance des plaques athéroscléreuses dans le sinus aortique des souris déficientes en apoE.
Ces effets de la nicotine sont médiés par les récepteurs acétylcholine nicotiniques. La production endothéliale de monoxyde d'azote, de prostacycline et de VEGF pourrait jouer un rôle dans ces effets. La nicotine pourrait donc accélérer la croissance tumorale et l'athérosclérose, au moins en partie en augmentant l'angiogenèse.
Quelles sont les implications cliniques de ces résultats ?
Le traitement substitutif est bref
Une étude a montré la sécurité du patch de nicotine chez les patients porteurs d'une maladie cardiaque : la nicotine n'augmente pas le nombre des premies incidents coronariens (« The ew England Journal of Medicine », 1996). Cela pourrait être dû au fait que le traitement substitutif est bref, notent les chercheurs.
Le problème se pose plutôt pour l'utilisation thérapeutique plus prolongée de la nicotine. Des agonistes du récepteur acétylcholine nicotinique sont actuellement évalués pour leurs effets bénéfiques dans certains troubles neurologiques comme la maladie d'Alzheimer et la douleur chronique. Mais la découverte récente que certains métabolites de la nicotine pourraient être cancérogènes et la notion que l'oncogenèse et l'angiogenèse sont liées devrait inciter à la prudence.
Certes, une étude a montré que l'exposition prolongée à la nicotine de rats en bonne santé n'entraîne pas de pathologie vasculaire ou cardiaque ; les chercheurs l'expliquent en suggérant que la nicotine ne pourrait stimuler l'angiogenèse que dans des conditions pathologiques.
« Comment cette étude affecte-t-elle notre compréhension des maladies vasculaires liées au tabagisme ? », se demande le Dr Jain (Harvard Medical School, Boston) dans un éditorial. La nicotine n'est que l'une des 4 000 substances chimiques dans la fumée de cigarette, rappelle-t-il. « Si la nicotine peut avoir un effet angiogénique dans certains contextes, il y a plusieurs molécules dans la fumée de cigarette, comme le cadmium et les espèces oxygène réactives, qui sont toxiques pour les cellules endothéliales et nuisibles à la santé. Par conséquent, l'effet net de la fumée de cigarette est antivasculaire, comme de nombreuses études l'ont indiqué. »
« Nature Medicine », juillet 2001, pp. 833 et 775.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature