On croit souvent, à tort, que l'espèce humaine n'a pas l'odorat très développé. Tant s'en faut. Il est, par exemple, des molécules auxquelles l'homme est très sensible et qu'il peut détecter à l'état de trace infinitésimale. Il peut aussi détecter les odeurs codées par l'information génétique et peut sentir la différence d'odeur entre deux souches de souris quasiment identiques qui ne diffèrent que par un ou deux locus du complexe d'histocompatibilité majeur (CMH), source d'odeurs propres à l'individu.
Ces odeurs liées au CMH influencent, entre autres, le choix du partenaire sexuel chez les animaux, mais chez l'homme ces phénomènes ont été difficiles à étudier car les gènes du système HLA (Human Leukocyte Antigen, le CMH humain) sont les plus polymorphes.
Une équipe dirigée par le Dr Martha Mc Cormick, de l'université de Chicago, a relevé le défi en conduisant une étude rigoureuse, en double aveugle, chez 49 femmes. Elle sont issues d'une communauté isolée, dans laquelle il n'existe qu'un échantillon limité d'haplotypes HLA (n = 67), et les types HLA de deux générations sont connus.
Ces 49 femmes, non mariées, se sont prêtées à une séance, non pas de dégustation, mais de jugements d'odeurs contenues dans dix boîte. Totalement ignorantes des provenances, elles ont dû les classer par ordre de préférence (« Laquelle choisirait-elle si elle devait la sentir tout le temps ?).
Dans six boîtes se trouvait un bout de T-shirt porté par un homme deux nuits de suite. Les six hommes étaient d'origines ethniques différentes. Deux autres boîtes contenaient un bout de T-shirt non porté (témoin) et, enfin, dans les deux dernières, un T-shirt imprégné soit d'essence de clou de girofle, soit de chlore.
« Contre toute attente, les femmes ont jugé les odeurs humaines comme légèrement agréables et plus agréables que les odeurs domestiques courantes », ont constaté les chercheurs.
Les quatre antigènes HLA (HLA-A, -B, -C, DR) et l'allèle DQB1 ont été typés chez les 6 hommes, ainsi que chez les 49 femmes. Puis le nombre d'allèles compatibles a été déterminé pour chaque paire femme/homme.
L'étude confirme qu'il n'existe pas une odeur masculine préférée par tout le monde, mais que la préférence est relative et dépend du degré de différence HLA entre la femme et l'homme.
L'étude démontre, pour la première fois, que cette préférence dépend des allèles hérités du père, et non de la mère. Les allèles HLA des parents dont la femme n'hérite pas ne sont pas associés au choix d'odeur, même si elle a été exposée dans l'enfance à ces odeurs codées par le système HLA.
Le degré de compatibilité entre ses allèles HLA paternels et ceux de l'homme ne doit être ni élevé ni nul, mais intermédiaire et plutôt faible. L'étude démontre en outre que le sens olfactif de la femme est extrêmement sensible : elle préfère l'odeur d'un homme qui a en moyenne 1,4 allèle HLA compatible avec ses allèles HLA paternels, mais l'homme dont elle fuit l'odeur est celui qui n'a en moyenne que 0,6 allèle HLA compatible avec ses allèles HLA paternels - une différence, somme toute, d'un seul allèle.
Ce choix des odeurs pourrait influencer, non pas seulement le choix du partenaire sexuel, remarquent les chercheurs, mais aussi « influencer des aspects plus larges du comportement social ».
« Nature Genetics », DOI : 10.1038/ng830.
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