> La santé en librairie
« UNE TRENTAINE d'années de cohabitation avec la décision d'Etat (...) dans le champ de la santé publique m'ont permis d'approcher ces mécanismes décisionnels inadaptés. » Cette expérience, alliée à un solide talent pédagogique, permet à ce spécialiste de la santé publique de dresser vingt-deux portraits de malfaisances ou de malfaçons. La qualification de ces faits divers sociaux établit leur classement de « Mépris » (évacuation des habitants de Vimy) à « Cécité » (fin des rapports du Conseil national de l'évaluation des politiques publiques), en passant par « Imprévoyance » (mauvaise gestion de la démographie médicale) ou « Agitation » (réactions politiques après une pseudo-agression dans un RER francilien).
Les vingt-deux erreurs et faux pas sont analysés en autant de chapitres efficaces et dynamiques de 4 ou 5 pages. Il est bien sûr beaucoup question de santé publique, qu'il s'agisse d'organisation des soins, d'amiante, d'arrêt Perruche, de protection des non-fumeurs ou de sécurité routière. L'objectif est de stigmatiser les dysfonctionnements de l'Etat, de souligner l'influence des médias, notamment sur la sauvegarde des apparences aux dépens du fond, et de montrer l'écart existant entre la législation et son application.
Le problème de l'obésité, par exemple, dans un chapitre intitulé « Déséquilibre ». Claude Got montre les contradictions des pouvoirs publics, écartelés entre les promesses et les vœux de santé publique et la soumission à l'industrie alimentaire comme aux publicitaires, conduisant à une aggravation progressive de la situation.
Au chapitre « Eloignement » figurent les erreurs de gestion avant et pendant la canicule de 2003. Eloignement des réalités concernant les risques liés à la chaleur, de celles concernant le vieillissement de la population et enfin éloignement des gestionnaires de la crise au cours de la première quinzaine d'août 2003 ! Pour Claude Got, cette inadaptation de notre système de prévention et de soins, les insuffisances de notre dispositif d'alerte expliquent les conséquences de cette canicule et, si un plan canicule a été désormais établi, rien ne dit qu'il sera capable de faire face à une nouvelle situation de ce genre, du fait de l'absence d'analyse de l'ensemble des facteurs de risque en cause.
Une réforme inachevée.
Critique mais pas défaitiste : Claude Got fait aussi le récit d'une réussite, celle des effets positifs de la gestion de l'insécurité routière depuis 2002 ; gestion qui a permis de réduire considérablement la mortalité sur les routes (7 830 tués en 2002 et 5 217 en 2004) grâce à une meilleure application de la réglementation et à l'ajout aux contrôles traditionnels dissuasifs du système de radars automatisés. Malheureusement, les projets de 2002 sont inachevés : ils devaient en effet compléter les actions à court terme sur le contrôle par des actions à long terme sur le véhicule. Cette seconde partie du programme est pour l'heure en jachère, déplore Claude Got : « La réforme en cours est loin d'être achevée, et la réussite obtenue peut être soit bloquée, soit accentuée, suivant les choix qui seront faits. »
Claude Got classe ces vingt-deux illustrations sans ambiguïté des maux de la démocratie en deux types, les malfaçons par imprévoyance, méconnaissance de la réalité de terrain, déséquilibre entre les intentions et les actes, négligence, voire démagogie, et les malfaisances par manipulation facilitée par l'inadaptation du droit à la réalité, faiblesse de l'exécutif face aux groupes de pression, dogmatisme ou organisation par la loi de l'irresponsabilité des décideurs. L'auteur plaide pour une évaluation systématique des décisions publiques, comme un plus large usage du référendum. Il souhaiterait que soient rendues au citoyen l'envie d'agir et la maîtrise de quelques-uns des rouages de la société dans laquelle il vit, tombe malade et se soigne, conduit sa voiture ou traverse la rue.
Claude Got, « Comment tuer l'Etat. Précis de malfaçons et de malfaisances », Bayard, 204 pages, 19 euros.
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