PLUSIEURS ANNÉES durant, Pierre Rosenberg, ancien président-directeur du Louvre, académicien, historien d'art, grand spécialiste de Poussin, sillonna l'Allemagne accompagné de David Mandrella, de musée en collection, de la Gemäldegalerie de Berlin à l'Alte et Neue Pinakothek de Munich, en passant par la Kunsthalle de Brême et la Staatliche Schlösser und Gärten de Potsdam. Les onze voyages qu'il effectua avaient pour but l'inventaire de tous les tableaux français conservés dans les musées allemands, depuis le règne d'Henri IV jusqu'à celui de Napoléon Ier, puis leur sélection, en vue d'une exposition qui livrerait un panorama, un florilège de l'art français des XVIIe et XVIIIe siècles, et ferait la lumière sur l'histoire du goût allemand à travers les âges.
Déjà au Grand Palais, en 1982, Pierre Rosenberg avait organisé une exposition qui rassemblait des tableaux français du XVIIe siècle conservés dans les collections publiques des Etats-Unis. L'exercice lui était donc familier. Il a choisi cette fois de mener le visiteur dans un cheminement à travers les genres et les thèmes principaux qui ont jalonné la création picturale française au cours de ces deux siècles prolifiques. L'exposition respecte en même temps la chronologie de cette création.
Le « grand genre » et les autres.
Elle s'ouvre sur les œuvres des peintres maniéristes du début du XVIIe : Toussaint Dubreuil, Ambroise Dubois, Martin Fréminet, Deruet, Callot et La Hyre (voir de ce dernier l'étonnant « Hercule et Omphale » de 1626, tout en déformations des corps et en raccourcis).
Autre style, autre « langage » : l'héritage du « Caravage ». Après sa mort, en 1610, beaucoup de peintres français iront étudier à Rome et exprimeront dans leurs toiles ce même souci de vérité humaine et de réalisme qui avait inspiré le grand maître italien. Simon Vouet, par exemple, livre par sa Judith avec la tête d'Holopherne une toile d'une grande vivacité et d'une belle théâtralité.
Les peintres lorrains font quant à eux l'objet d'une section à part entière, qui dévoile les très expressifs « Mangeurs de pois », de Georges de La Tour, l'élégant et délicat « Ange de l'Annonciation », de Jacques Bellange ou encore les délectables paysages de Claude Lorrain, vastes décors de verdure baignés d'une lumière subtile et dans lesquels se perdent de minuscules personnages.
Les salles suivantes sont consacrées aux différents genres picturaux répandus au XVIIe : la peinture dite du « grand genre » d'abord, c'est-à-dire religieuse, mythologique, et historique (on ne manquera pas « la Vierge de douleur au pied de la Croix » par Philippe de Champaigne ou « le Christ chez Marthe et Marie » par Eustache Le Sueur) ; les portraits (ceux de souverains allemands ou français qui en firent la commande, ou ceux des membres d'une grande famille ou encore des portraits d'anonymes) ; les natures mortes (Jacques Linard en fut le maître incontesté au XVIIe) ; et enfin, les scènes de batailles et de paysages (superbe « Paysage montagneux » de Francisque Millet, vues classiques et idéalistes de Gaspard Dughet...).
Chefs-d'œuvre « galants ».
La nature précisément fut le leitmotiv des œuvres de Poussin, dont six de ses toiles sont présentées ici. La plus magistrale d'entre elles, « Paysage orageux avec Pyrame et Thisbé », met en scène l'épisode mythologique dans un déchaînement des éléments et de la nature. Un chaos superbement ordonné.
La peinture de fête galante, celle de Watteau et de ses émules, connut un franc succès en Allemagne. Frédéric II de Prusse l'appréciait particulièrement et sa collection comptait de nombreux Watteau, Lancret, Pater... On pourra apprécier ici quelques-uns de ces chefs-d'œuvre « galants » et savourer les ravissants détails de badinages dans les bocages et autres récréations champêtres.
Peu représentée dans les collections allemandes, car jugée trop libertine, la peinture de genre française figure néanmoins dans quelques musées à travers des œuvres phares, comme les célèbres « Odalisque blonde » de Boucher et « Jeune fille faisant danser son chien sur son lit » de Fragonard.
D'autres raretés du XVIIIe brillent encore dans l'exposition : ici, le très expressif « Vieillard lisant » de Fragonard, là une somptueuse nature morte de Chardin, plus loin, un paysage aux tonalités mordorées de Jean-Baptiste Oudry, ou encore un portrait de David de la fin du XVIIIe qui marque le tournant néo-classique.
C'est un grand plaisir de rencontrer, ainsi réunies, les œuvres souvent éminentes mais rarement vues, peintes par des artistes qui nous sont pourtant familiers. Certaines d'entre elles sont d'un inestimable intérêt.
« Poussin, Watteau, Chardin, David... Peintures françaises dans les collections allemandes. XVIIe et XVIIIe siècles ». Galeries nationales du Grand Palais. Paris 8e. Tlj sauf mardi, de 10 h à 20 h (mercredi jusqu'à 22 h). Tél. 01.44.13.17.17. Jusqu'au 31 juillet. Catalogue de l'exposition, 496 p., 59 euros.
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