De notre correspondante
à New York
La maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT), la plus fréquente des neuropathies héréditaires, concerne environ une personne sur 2 500 aux Etats-Unis. Cette maladie des nerfs moteurs et sensitifs, dont il existe plusieurs sous-types liés à des anomalies génétiques différentes, commence généralement à l'adolescence. Elle se manifeste par une faiblesse et atrophie des muscles, d'abord des jambes (aspect en « mollet de coq »), puis des mains. L'évolution est lentement progressive et non fatale.
La forme la plus courante est la CMT de type 1A (la moitié des cas). Cette forme autosomique dominante résulte de la duplication du gène, sur le chromosome 17 (17p12), qui code pour la synthèse de la protéine myéline périphérique de 22 kDa (Pmp22). Une copie supplémentaire de ce gène entraîne une surexpression de la Pmp22 (de 50 %), un composant crucial de la gaine de myéline entourant les nerfs périphériques. En raison de cette synthèse majorée, la gaine est anormale.
Copie supplémentaire du gène Pmp22
Une équipe suisse-allemande, dirigée par le Dr Klaus-Armin Nave (institut Max Planck Institut de médecine expérimentale, Goettingen, Allemagne), a créé il y a sept ans un rat transgénique modèle de la CMT-1A (rat « CMT »), en introduisant une copie supplémentaire du gène Pmp22.
L'équipe a recherché chez le rat « CMT » si la progestérone circulante pourrait moduler la neuropathie progressive. En effet, il a été montré récemment que les hormones stéroïdiennes sont des régulateurs de l'expression des gènes et que la synthèse de Pmp22 dans les cellules de Schwann peut être stimulée in vitro par la progestérone. Qu'en est-il in vivo ?
Sereda, Nave et coll. ont tenté de répondre à cette question à partir de l'étude de 84 rats « CMT » mâles. Les rongeurs ont été randomisés à trois groupes de traitement : progestérone, placebo et antagoniste de la progestérone (onapristone). Ils ont été traités quotidiennement pendant sept semaines.
Les résultats sont très parlants. L'administration de progestérone aggrave la pathologie des cellules de Schwann et accélère la progression de la maladie. Cette découverte a des implications cliniques : la prise de progestérone devrait être évitée chez les patients porteurs de duplication du gène Pmp22. Il faut d'ailleurs noter qu'une exacerbation de la CMT-1A a été rapportée au cours de la grossesse, période où la concentration plasmatique de progestérone est multipliée par dix.
En revanche, l'administration d'onapristone, un antagoniste sélectif du récepteur de la progestérone, réduit la synthèse de Pmp22 (de 15 %) et améliore les symptômes chez les rats. Bien que ce traitement ne guérisse pas la maladie, il en ralentit la progression. Aucun effet secondaire n'a été noté.
Progestérone et myéline
« Ces résultats apportent la preuve de principe que le récepteur de la progestérone sur les cellules de Schwann produisant la myéline constitue une cible pharmacologique prometteuse pour traiter la CMT-1A », concluent les chercheurs.
L'équipe poursuit l'évaluation chez le rat « CMT » de l'onapristone et des antiprogestatifs développés plus récemment (mieux tolérés chez l'homme). « Il nous faut identifier l'antiprogestatif optimal, optimiser son dosage, et surveiller les traitements à long terme, confie au « Quotidien » le Dr Nave. Nous voulons aussi évaluer le traitement prolongé chez les rates femelles. Si ces prochaines étapes sont positives, nous envisagerons des études cliniques, en étroite collaboration avec des neurologues spécialisés dans cette maladie ».
« Nature Medicine », 10 novembre 2003, DOI : 10.1038/nm957.
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