« Nous ne faisons pas encore de progrès », a dû reconnaître en fin de semaine dernière le ministre de la Justice américain, John Ashcroft, à propos de l'enquête sur les contaminations par la maladie du charbon, qui mobilise un millier d'agents fédéraux et de scientifiques.
L'inquiétude de la population américaine est d'autant plus grande qu'il ne se passe guère de jour que l'on ne découvre de nouvelles traces, y compris loin de la côte Est où sont jusqu'à présent regroupés les cas. Des traces de charbon ont ainsi été repérées dans un bureau de poste de Kansas City (Missouri), qui reçoit, il est vrai, du courrier en provenance du centre de tri postal de Washington par lequel ont transité deux lettres contaminées.
Le cas de Kathy Nguyen, décédée le 31 octobre, est le plus préoccupant pour les autorités, car il impliquerait que les spores du bacille sont plus volatils que les experts le pensaient. Cette New-Yorkaise de 61 ans était employée dans un hôpital, le MEETH (Manhattan Eye, Ear and Throat Hospital). On n'a trouvé aucune trace de courrier suspect reçu à son domicile ou à son travail. Trop faible lors de son hospitalisation, elle n'a pu être interrogée, mais on a trouvé des spores sur ses vêtements. 28 personnes de son entourage professionnel ont subi des prélèvements nasaux et tous se sont révélés négatifs. Par précaution cependant, 1 100 personnes travaillant ou étant passé par l'hôpital ont reçu un traitement antibiotique.
Comme l'a confirmé dans « le Parisien » Michèle Mock, une chercheuse de l'Institut Pasteur, la souche du bacillus anthracis serait bien l'une des plus virulentes, la souche Ames (du nom de la ville de l'Iowa où elle a été isolée pour la première fois). Michèle Mock a mis au point sur des souris un vaccin prévu pour l'animal et se déclare prête à envisager des études de faisabilité sur l'homme. Autres travaux prêts à aboutir : ceux de chercheurs de l'hôpital général de Vienne, en Autriche. Ils ont mis au point un désinfectant à pulvériser qui tue le bacille du charbon et n'attendent plus que le feu vert des autorités sanitaires autrichiennes.
Côté traitement, l'Allemagne a validé officiellement vendredi la ciprofloxacine comme traitement de la maladie du charbon et Bayer a conclu un accord avec les autorités françaises et britanniques pour leur fournir l'antibiotique. La firme s'est déjà engagée à fournir quelque 200 millions de comprimés au gouvernement américain au cours des trois prochains mois (au prix réduit de 95 cents au lieu de 1,77 dollar l'unité) ainsi qu'un million au Canada.
Et la bataille antibioterrorisme se poursuit encore sur un autre plan, avec les propositions que vont présenter les Etats-Unis aux 143 pays signataires de la convention internationale sur l'interdiction des armes biologiques, lors d'une conférence à Genève le 19 novembre. Il s'agit de renforcer cette convention de 1972 : législations nationales strictes accompagnées de règles solides d'extradition ; établissement d'une procédure efficace de l'ONU pour enquêter sur tout cas suspect ; amélioration des contrôles épidémiologiques internationaux et renforcement des mécanismes pour l'envoi d'équipes d'experts en cas de menace d'épidémie ; mise au point d'un code de conduite éthique bioscientifique à valeur universelle ; encouragement au respect d'une conduite responsable dans l'étude, l'emploi, la modification et les transferts d'organismes pathogènes. L'été dernier, les Etats-Unis avaient rejeté un projet d'accord créant une organisation internationale chargée d'inspecter les usines suspectes à travers le monde, en estimant qu'elle ne disposerait pas de moyens suffisants pour mener à bien inspections et enquêtes.
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