Diligentées par le FBI et le CDC (Center for Disease Control and Prevention), les enquêtes épidémiologique et criminelle autour de deux cas de maladie du charbon battent son plein.
Le premier cas, qui a entraîné le décès, vendredi dernier, d'un photographe de presse de 63 ans, avait tout d'abord été jugée sporadique. Mais l'annonce d'un deuxième cas, détecté chez un employé du courrier travaillant dans le même journal, à Delray Beach (Floride), au nord de Miami, a provoqué l'ouverture immédiate d'une enquête criminelle, doublée d'investigations épidémiologiques effectuées auprès des 300 collaborateurs du groupe de presse auquel collaboraient les deux victimes.
Le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, a précisé que l'immeuble a été bouclé. Le responsable du département santé de l'Etat, le Dr John Agwunobi, a indiqué que « tous les échantillons proviennent d'un seul immeuble. Nous n'avons aucune indication montrant à ce stade que la population est exposée à un risque plus important (de ontamination) », a-t-il ajouté.
L'hypothèse d'un troisième cas en Virginie, un temps agitée par les médias, a finalement été écartée par un porte-parole du FBI.
« Nous ne rejetons rien à ce stade de l'enquête », a déclaré l'Attorney General (ministre de la Justice) John Ashcroft. Autrement dit, la crainte d'un attentat perpétré à l'arme biologique contre les Etats-Unis hante les esprits.
« En l'état, il faut se garder de tout catastrophisme, déclare cependant au « Quotidien » Michèle Moch, chef de l'unité Toxines et pathologies bactériennes de l'institut Pasteur et directeur de recherches au CNRS. Les méthodes de prélèvement mises en uvre dans les locaux du journal vont permettre de savoir si des spores contaminantes y sont ou non présentes. Mais même dans cette hypothèse, il ne sera pas possible de considérer avec certitude qu'on est en présence d'un acte volontaire de contamination. Cela dit, des mesures prophylactiques individuelles pourront alors être adoptées pour l'ensemble des salariés du groupe. »
En tout état de cause, une contamination interhumaine semble exclue. « Du moins, précise au « Quotidien » un médecin épidémiologiste de l'Institut de veille sanitaire (InVS), spécialiste des zoonoses non alimentaires, aucun cas n'a-t-il été rapporté à ce jour. Le charbon, ce n'est ni la grippe, ni la peste pulmonaire ! Les seules transmissions interhumaines qui puissent être imaginées concernent les personnels soignants qui n'auraient pas utilisé de gant pour manipuler un escarre charbonneux. »
Deux classifications
« Des preuves indirectes montrent que l'homme est modérément résistant au charbon et que sa susceptibilité à la maladie est fonction des pathologies sous-jacentes et de l'état de son système immunitaire », précise-t-on encore à l'InVS, où on rappelle que le charbon est classé de deux manières différentes : la première classification reflète l'exposition de l'individu, différenciant le charbon non-industriel des paysans, équarrisseurs, vétérinaires, etc., du charbon industriel survenant chez ceux qui utilisent des os, des poils, de la laine ou d'autres produits animaux.
La seconde classification, la plus courante, reflète la voie d'acquisition de la maladie : soit à travers une lésion de la peau, qui résulte de la manipulation de carcasses infectées, comme dans les trois derniers cas connus en France, déclarés en 1997, dans les Pyrénées-Atlantiques ; soit par l'ingestion d'aliments contaminés, habituellement de la viande issue d'un animal mort de la maladie, ou éventuellement par l'absorption de liquides contaminés ; soit enfin par l'inhalation de spores de charbon aéroportées. Ce dernier cas, le charbon pulmonaire, correspond à la forme classique des expositions industrielles ou militaires.
Selon Michèle Moch, cette dernière forme n'est pas encore vérifiée en Floride : « On peut très bien imaginer, estime-t-elle, une contamination par la laine ou par les animaux infectés présents aux Etats-Unis ou au Canada, comme, en particulier, les bisons ».
La chercheuse recommande au corps médical d'« être de toute manière en éveil, évidemment sans paniquer », et de garder à l'esprit que « chez l'homme, dans 95 % des cas, l'aspect clinique se présente comme une lésion cutanée qui reste localisée et unique ».
En France, des foyers animaux assez dispersés
On constate en France, selon l'InVS, une assez grande dispersion des foyers déclarés de fièvre charbonneuse chez l'animal. Ainsi, de 1970 à 1976, 92 foyers ont été déclarés et observés, soit une moyenne annuelle de 13 foyers de quelques animaux.
Ces foyers étaient répartis dans 31 départements des régions du Nord, des Ardennes, de la Lorraine, de la Bourgogne, de Rhône-Alpes, de Midi-Pyrénées, de l'Auvergne, des Pays de la Loire et de la Basse-Normandie.
Une enquête réalisée en novembre 1997 auprès des services vétérinaires départementaux a permis de répertorier les cas apparus depuis l'année 1991. On observe que, durant cette période, 12 foyers ont été répertoriés dans 9 départements (l'Yonne, la Nièvre, la Haute-Saône, la Haute-Savoie, la Savoie, les Hautes-Alpes, le Cantal, le Tarn et les Pyrénées-Atlantiques).
L'enquête a permis de recenser les départements dans lesquels existent des zones localisées connues comme historiquement contaminées dans 16 départements, principalement situés dans les régions Auvergne, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, Bourgogne, Franche-Comté.
Dans le monde, les données récentes portant sur les animaux de rente et les animaux sauvages montrent que des cas de fièvre charbonneuse sont répertoriés sur les continents américain, africain, asiatique et européen. En Europe, des cas ont été rapportés dans 11 pays (Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Pologne, Hongrie, Bulgarie, Grèce, Ukraine, Turquie, Géorgie et France).
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